-wishing you a gentle decay.

I.

Elle appartenait à une communauté de nymphes résidents dans les parcs nationaux. Entourée de ses sœurs, cousines, tantes et de sa mère, elles suivaient toutes les préceptes nymphes en continuant de rester sous la gouverne d'un Satyre. Protectrices d'un chêne antique, la nymphe se souvient encore de la fierté de sa mère lorsqu'elle reçut sa propre goutte de la source de vie éternelle, cristallisée et reliée à une chaîne en argent aux motifs floraux.

Rien ne laissait présager que la nymphe se détourne un jour du chemin qui lui était destiné, et pourtant c'est en rêvassant dans les bois à la recherche des jacinthes et des crocus aux aurores du printemps que la jeune nymphe rencontre la mort pour la première fois dans la carcasse d'un renard. Elle ne connaissait pas le monde au-delà des bois et le concept de la mort lui était étranger: cette carcasse devint son obsession, son secret, car elle savait qu'il s'agissait là de quelque chose qui n'appartenait pas au monde auquel elle appartenait. Elle observa la carcasse gonfler puis se décomposer, ravagée par la vermine. Lorsqu'elle osa en parler à sa mère, elle lui expliqua pourquoi elles étaient les gardiennes de la source de la vie éternelle; mais jamais la nymphe ne comprit pourquoi une telle abomination existait dans le cycle de la vie. La source qu'elle était censée protéger devint un parasite à ses yeux, un objet de tentation pour les Hommes et la chaîne qui l'empêchait de découvrir le monde à l'extérieur des terres forestières.

La jeune nymphe douée d'une fascination et d'un intérêt particulier pour la mort continuait de grandir différente des siennes: elle se réjouissait toujours de l'arrivée de l'automne, de l'odeur des feuilles tombées servant de nutriments à la terre qui était le berceau de la vie et le lieu de repos de nombreuses carcasses. Plus d'une fois elle allait se perdre dans les zones les plus humides et les plus marécageuses où elle se sentait plus à l'aise que dans les ruisseaux et sous les rayons du soleil.

II.

Arriva le jour où la nymphe n'en pouvait plus.
La monotonie de son devoir éternel de gardienne bordait sa folie à chaque fois que le jour laissait place à la nuit, et c'est sous le couverts des étoiles avec la lune pour seule témoin que la nymphe commença à mûrir en secret un plan qui lui permettrai de se libérer des contraintes de son condition nymphique.

Par une nuit d'hiver où les nymphes étaient le moins actives et en dormance avec le reste de la Nature, la nymphe s'extirpa de son sommeil prématurément. Elle n'avait pas la notion du prince chevalier ou de la moindre aide extérieure et elle alla s'emparer de sa liberté elle-même.
Elle erre durant des jours écourtés et les longues nuits glacées avant de trouver une route, cette longue traînée de béton dont la sensation sous la plante de ses pieds lui parait si étrange. Le vrombissement d'une voiture et la lumière des feux de circulation est comme une bête féroce qui ne lui est en rien familière.
Il s'agissait d'une époque où les mortels ne se méfiaient pas encore d'une femme nue et visiblement dans un état second retrouvée en pleine forêt, la peau en proie aux ronces et le corps gelé. Une chance pour la nymphe d'avoir été trouvée par une bibliothécaire chrétienne et pleine de bonnes intentions, désireuse d'aider son prochain dans le besoin.
La bibliothécaire était une vieille veuve sans enfants aux traits ridées, elle avait laissé sa famille en Europe pour suivre son époux et ses promesses au pays de l'Oncle Sam. Elle hébergea un temps la femme des bois, et la nymphe passait de longues heures à étudier la vieille femme: il s'agissait là de la première humaine que la nymphe rencontrait et d'une certaine manière la créature apparu à la vieille russe comme la fille qu'elle n'a jamais eu, son arrivée tardive au crépuscule de sa vie étant un cadeau ciel. Elle lui ramenait des livres que la nymphe dévorait, s'instruisant du vaste monde dans lequel elle avait mis les pieds et en retour la nymphe apportait son aide et son soutien à la vieille femme.

Dans son cœur putride il s'agit là de la seule période où son inconscience la rendait véritablement heureuse dans la place qu'elle occupait.

III.

La nymphe n'a jamais oublié la carcasse qu'elle avait rencontré des années plus tôt, l'animation morbide et les émanations nauséabondes: la nymphe n'oublia jamais, et elle continuait de arpenter les bois à la recherche d'ossements. C'est à cette époque là que la nymphe termina de se détourner du chemin initial: la nymphe embrassa sa propre culture de la vie et de sa jumelle mal réputée, sa philosophie jugée blasphématoire par celles d'un entourage duquel elle était parvenue à s'échapper ne regardait qu'elle. Pour honorer les vies passées, celles qui se battent pour survivre et celles qui seront, la nymphe réunissait les ossements et les carcasses qui se présentaient à sa personne dans un coin reculé des bois où elle vivait avec la bibliothécaire: dans le plus grand secret, la nymphe exerçait sa magie au-dessus des charniers pour que des masses croupissantes et en décomposition ne viennent germer ses premières souches de champignons.

La faune et la flore pour témoins de ses rituels il ne fallut pas bien longtemps pour qu'au gré des ruisseaux, l'information de ses mœurs ne parvienne à la connaissances des autres nymphes qui formaient jadis sa famille. C'est à ce moment là que la nymphe hérita de son titre de Mère Putride et de sa réputation macabre: une propagande instiguée par les autres nymphes à travers les contrées boisées et le reste de la communauté magique, pour la punir de s'être détournée de son rôle de gardienne de la source de vie éternelle.

Sa nouvelle réputation dans le monde magique lui importait guère, c'est une autre peine qui vint percer son cœur: la santé décroissante de la bibliothécaire qui était devenue comme une nouvelle mère pour elle dans le monde des humains. La nymphe était toujours reliée à la vie mais également connectée à la mort, et tandis qu'elle voyait l'Une délaisser la bibliothécaire elle sentait l'Autre se rapprocher. La nymphe ignorait comment appréhender cet événement, cet abandon, mais elle jura à la bibliothécaire de rester auprès d'elle. La nymphe décida de soulager et d'émerveiller les derniers mois de sa protectrice en démontrant sa nature magique: si les fleurs qu'elle faisait apparaître dépérissaient dans l'instantané, la nymphe animait les soirées d'été de la bibliothécaire en faisant agiter les lucioles au-dessus de l'étang, elle lui présentait chaque coccinelles et chaque abeilles, l'automne arrivé les corneilles et les corbeaux lui ramenait des petits cadeaux.

La bibliothécaire avait tout enseigné à la nymphe, si bien que cette dernière décida de lui rendre la pareille en lui parlant du monde duquel elle provenait: des bois profonds, de ruines antiques oubliées de l'homme, des nymphes et des satyres, de ses pouvoirs, de son exil et de ce qui l'avait poussé à quitter le foyer qui n'avait jamais été chez elle, contrairement à la petite maison à l'orée des bois auprès de la bibliothécaire.
La bibliothécaire s'intéressa les dernières semaines de sa vie à la mycologie: cette science et ce monde dont la nymphe avait le contrôle. La nymphe découvrit elle aussi les théories et les explications entourant son propre pouvoir, ce qui termina d'ancrer en elle la volonté d'embrasser pleinement ses capacités qui avaient été jugées perverses.

Elle ne s'était pas attendue à ce que la dernière volonté de la bibliothécaire soit d'offrir son corps comme carcasse entre les mains de la nymphe: elle craignait la mort et avait rejeté le Christ à la mort de son époux, mais elle avait compris que la mort n'était rien d'autre que l'étape d'un long processus dans le royaume fongique.  

Lorsque la bibliothécaire rejeta son dernier souffle, la nymphe apporta sa dépouille dans son lieu sacré: là où les nymphes et dryades se réunissaient autour d'un arbre majestueux, la nymphe déchue faisait honneur à un monticule. On ne voyait plus le tas de carcasses d'animaux que la nymphe avait amassé depuis son arrivée chez la bibliothécaire, puisque la butte était recouverte et parsemée d'espèces de champignons en tous genres. Des espèces bioluminescentes, certaines se mouvant de façon surnaturelle, cette mer de champignons semblait frémir à l'approche de la nymphe, de leur Mère, qui déposa le corps de la bibliothécaire avec respect et pudeur sur cet autel de la vie et de la mort. La nymphe demeura, tout au long du processus de décomposition de cette femme à qui elle devait plus que sa propre chair, jusqu'à ce que de son corps la nymphe ne soit témoin de la plus belle des floraison. Il ne restait plus rien des ossements et de la chair de la bibliothécaire lorsque la nymphe se redressa finalement.
Elle retrouva la maison vide et silencieuse dans laquelle elle resta pendant une certaine période. La bibliothécaire lui avait fait don d'une enveloppe généreuse et avait été clair sur le fait que la nymphe pouvait s'approprier ce qu'elle désirait: elle récupéra quelques vêtements, une valise et la voiture de son ancienne propriétaire... ainsi que ses papiers d'identité; avant d'entamer sa route et de poursuivre son voyage sur les routes humaines.

"Recherche Serveuse" elle arracha l'annonce, poussa la porte de ce diner pour se diriger jusqu'au comptoir et se présenter "Vous cherchez une serveuse. Je suis là." d'un ton assuré tout en parvenant à laisser paraître sa modestie et son respect. L'homme moustachu la dévisagea de haut en bas "C'est quoi vot' ma ptite dame ? Zavez de l'expérience ?" elle esquissa un sourire à peine perceptible avant de répondre "Je m'appelle Galina. J'étais bibliothécaire en Louisiane, mais j'apprends vite."

IV.

Galina a toujours été en mouvement à travers les états: elle ne reste jamais assez longtemps pour prendre vraiment racine, se laisse porter par ses humeurs et les saisons, ne cherche pas à nouer la moindre relation et préfère les emplois où elle travaille seule. Tout au long de sa vie, elle a continué d'approfondir ses connaissances du monde humain, tout en restant très attentive à sa nature magique: au point où sa nature l'intimera par une nuit sans lune de se repaître de chair fraîche.
Elle travaillait comme femme de ménage dans un motel à cette époque là, lorsqu'elle fut témoin de ses yeux sévères d'une agression contre une prostituée. Elle avait rapidement compris et discerné les travers de la société humaine et savait que personne ne viendrait se soucier du sort d'une prostituée dans les années 90 à San Francisco.
Elle empoisonna l'agresseur, intima à la jeune femme de fuir.
Il n'était pas mort.
Pas encore.
Elle non plus d'ailleurs.
Cet enfoiré porta une arme contre le front de la nymphe.
Puis tira.
La cervelle de la nymphe et son sang noir saccagea la ruelle étroite, dans laquelle l'autre connard rampait jusqu'à s'étouffer dans son propre vomis, avant de finir inerte, l'estomac soudainement colonisé par une multitudes de parasites.

Galina fut inhumée au cimetière de North San Francisco, une chance pour elle de ne pas avoir été incinérée puisque la nymphe se réveilla soudainement dans son cercueil, "six pieds sous terre, quinze ans plus tard et entre deux planches" (elle aime croire qu'il s'agira du titre de sa biographie). Elle dû attendre plus de temps encore pour que la vermine vienne à bois de la force et de la résistance du cercueil, avant qu'elle ne puisse creuser jusqu'à enfin atteindre la surface.
C'est l'ancien veilleur de nuit du cimetière qui tomba sur elle.
Et malgré la robe et malgré la terre souillant son corps encore tremblant, ça n'empêcha pas cet homme d'adopter un regard lubrique et une démarche menaçante "Fuck no." elle n'eut aucun mal à tuer cet homme, pour qu'il puisse prendre sa place dans la tombe. Galina venait de se réveiller dans un monde chaotique, sans défenseurs, presque contrôlé dans sa totalité par les forces du mal.

C'est dans ce climat d'incertitude que Galina revint d'entre les morts: sa proximité avec les champignons avait permis à son corps sans vie d'évoluer, de régénérer, de conserver le reste de sa chair et de sa conscience jusqu'à aujourd'hui. Elle ne saigne plus, et sa chair n'est plus flasque et humide. Son corps se décompose et demeure, elle est en proie à la Stagnation à qui elle doit la renaissance.

V.

San Francisco est saccagée par la montée en puissance des forces du mal. Les corps s'empilent les uns sur les autres et comme toujours: ils sont trop peu à vouloir s'occuper des cadavres. Galina est vue comme une envoyée du ciel lorsqu'elle vient apporter la paix et la décence d'une sépulture à celles et ceux qui ont quitté ce monde.
La plupart des humains ignorent tout des pratiques secrètes de la croque-mort, elle qui offre les corps sans vie à la décomposition pour que de leurs entrailles naissent des champignons secrets par milliers au sein même du cimetière.
Certains humains et certaines créatures croient néanmoins au cycle de vie prôné par la nymphe et désirent l’inhumation ritualiste menée par la Mère Putride.

Elle est exclusivement carnivore, mais ne se nourrit point d'animaux. Cet emploi permet à la nymphe fongique de satisfaire son besoin de chair, sans qu'elle n'ait besoin de tuer pour se repaître. Elle apprécie encore les saveurs des épices et des thés.

   

pseudo lev, mossfield. âge quasi 27 (dans 3 mois) pays frughnce. comment avez-vous connu le forum ? j'ai reçu un mail ?, j'ai vu un partenariat, j'ai discuté avec thaenerys, j'ai craqué. est-ce un scénario, pré-lien ? non. est-ce un descendant ? non. double-compte toujours non. dernier mot non ? bon ok "Balenciagaaaaa"