blood to blood, return to me

blood to blood, return to me.

Penn se réveilla en sursaut, le souffle coupé et le cœur battant à tout rompre. Une main sur le front pour essuyer la sueur froide, le sorcier s’attela à remettre ses pensées dans l’ordre. Ces dernières semaines, ses rêves se faisaient de plus en plus sombres et violents, mais ils étaient encore trop cryptiques pour qu’ils puissent les interpréter. Une catastrophe approchait, il en était persuadé – mais il était encore incapable de l’identifier, comme si sa nature véritable se tenait juste au-delà de sa conscience. Le cauchemar qu’il venait de faire, en revanche, était des plus limpides : il y avait vu son cousin Kaïden en plein rituel de magie noire, sacrifiant la vie de créatures innocentes.

Penn se massa les tempes. Cela faisait des mois qu’il avait perdu la trace de Kaïden et de ses manigances. Pourquoi cette vision d’horreur maintenant ? Le destin essayait-il de lui forcer la main ? Il essaya de se repasser les images de son cauchemar une à une à la recherche du moindre indice, jusqu’à ce qu’il se souvienne du téléphone d’une des victimes, brisé au sol. Sur l’écran morcelé, l’heure s’affichait à peine : 2h52. Penn jeta un regard oblique au radio-réveil qui trônait sur la table de nuit, juste à côté d’un Carter endormi : 2h37. Il libéra cette respiration qu’il retenait sans le réaliser, comprenant enfin le message que lui envoyait l’au-delà : le sacrifice aurait lieu ce soir, dans quelques minutes. Il n’était pas trop tard pour l’en empêcher.

Le sorcier se leva le plus silencieusement possible pour ne pas réveiller Carter. Dans la chambre d’à côté, Paddy dormait à poings fermés. Il jeta un dernier regard à son fils en se mordant la lèvre – tout avait changé maintenant qu’il était père, il ne pouvait plus se comporter comme une tête brûlée face au danger. Penn lui promit silencieusement qu’il serait rentré avant le lever du soleil et referma la porte de la chambre.

Après une longue inspiration, il ouvrit son esprit à sa vision et la laissa le guider jusqu’à la scène du crime. L’instant d’après, il disparût dans un halo rougeâtre qui le transporta jusqu’au fin fond des Enfers. Légèrement désorienté, le sorcier se hâta de se trouver une cachette dans les ténèbres. Il ne voyait rien d’où il était, mais il n’avait pas besoin de ses yeux pour contrecarrer les plans de son cousin. L’esprit de Penn s’étendit au-delà de sa propre corps, glissant de conscience en conscience. Il pouvait toutes les sentir désormais, une dizaine de créatures magiques désespérées à l’idée de pousser leur dernier soupir. Et, quelques mètres plus loin, un esprit brûlant qu’il osait à peine effleurer. Kaïden.

Son esprit se lia lentement à celui de son cousin pour lui faire sentir sa présence avec le plus de douceur possible. Puis une pensée, la voix de Penn, directement implantée dans sa tête. « Bonsoir Kaïden. C’est moi. » Il effleura les bords de sa conscience, comme pour repousser la violence inhérente à son cousin dévoré par l’emprise du Mal. Pour tenter d’apaiser son esprit, il fit remonter en lui des souvenirs de leur enfance ensemble. La fois où Penn avait repoussé un autre garçon qui se moquait de Kaïden alors qu’ils étaient gamins. Le jour où ils avaient tellement ri d’une blague aux dépens de Wyatt que Penn en avait perdu le contrôle de sa vessie. La façon dont ils s’étaient étreints, après les funérailles de Phoebe et Paige. « Tu me manques. Tu nous manques à tous. » Puis de nouveaux souvenirs, qui n'appartenaient qu’à Penn. Ceux de son mariage avec Carter, quelques années plus tôt, auquel Kaïden, récemment tombé dans le Mal, n’avait pas été invité. Toute sa famille qui se faisait un sang d’encre pour lui au cours du dernier repas de famille. « Je voudrais juste te parler de vive-voix, de façon civilisée. On peut faire ça ? Viens me retrouver, je suis tout proche. »

C'était déjà le beau milieu de la nuit et ce soir, Kaïden s'apprêtait à effectuer un deuxième rituel visant à dérober le pouvoir d'une sorcière qu'il avait pris en chasse quelques jours plus tôt. Lors de leur confrontation, cette dernière avait projeté un rayon d'énergie par la paume de sa main et avait failli lui transpercer le corps avec. C'est à ce moment précis qu'il avait changé d'avis et décidé d'obtenir ce don plutôt que de le voir disparaître avec elle. Son intérêt personnel était bien la seule raison qui l'aurait poussé à l'épargner. Temporairement du moins.

Pour effectuer le sort, il avait besoin de la sorcière bien sûr, mais aussi de dix autres personnes à placer en cercle autour d'elle pour être sacrifiés. L'énergie libérée par ce massacre lui était nécessaire pour voler ce qu'il souhaitait avant de sacrifier la sorcière dans la foulée et sceller le rituel. Un rituel qui demandait beaucoup d'effort de la part de l'hybride mais qui en valait clairement le coup si ça lui permettait d'obtenir un pouvoir supplémentaire.

Il se tenait donc dans cette caverne lugubre, en enfer accompagné de tous ces innocents qui n'attendaient que de mourir, ligotés et bâillonnés par une corde qui avait été enchantée pour rester en place et empêcher toute magie de la briser. Par simple mesure de précaution car il ignorait si ses victimes étaient toutes de simples mortels ou non.

Un pentagramme était dessiné sur le sol avec son propre sang, éclairé par la seule lueur des torches qui entouraient la pièce. La sorcière en son centre et les sacrifices en cercle tout autour. Tout était fin prêt pour que Kaïden entre en scène. Plus que quelques minutes, le temps pour lui de rassembler toute son énergie et sa concentration et le rituel pourrait commencer.

Un athamé à la main, le visage irradiant d'une certaine forme d'excitation quant à ce qui allait suivre...

La voix de son cousin vint résonner dans son esprit sans crier gare. Sa mine réjouie quant à l’événement à venir ainsi que son sourire malsain s'effacèrent presque aussitôt tandis qu'il observait la grotte autour de lui dans l'espoir d'y apercevoir le visage de celui qui venait de s’immiscer dans sa tête et qui s'apprêtait sûrement à faire foirer ses plans.

Il tenta de repousser les images des souvenirs qu'il lui envoya mais ne possédant aucun don de télépathie, c'était voué à l'échec. Il se contenta donc d'y faire face avec le plus grand des calmes. Non, il n'avait pas oublié tout ce qu'il avait pu vivre auprès de sa famille durant toutes ces années, jamais il ne le pourrait. Jamais il ne pourrait oublier les bons moments passés, ni les mauvais et son changement de camp n'avait rien à voir avec eux. C'était un choix personnel qu'il avait fais en son âme et conscience. Un choix évident pour lui dont les intérêts convergeaient désormais avec ceux de l'enfer. Une soif de sang et de pouvoir qui étaient nés en lui au fil du temps. Des aspirations que les siens ne pouvaient pas comprendre et qui l'avait poussé à prendre ses distances.

« Pile au bon moment. » pesta-t-il ironiquement en balançant son athamé au sol.

Ne possédant plus de protégés après avoir renié sa vraie nature, le lien qui l'unissait autrefois aux Halliwell était toujours présent en lui et il pouvait toujours les localiser aisément grâce à cette partie de lui. Il put ainsi retrouver très facilement son cousin et  se mit en route pour lui faire face.

« Bien, je suis là. Qu'est-ce que tu me veux ? » demanda-t-il sèchement en croisant les bras sur son torse. « Laisse-moi deviner, prémonition ? »

Entant que fils de Phoebe, il devait avoir acquis le même pouvoir que sa mère et si ce n'était pas le cas, quelqu'un de la famille devait en avoir eu une sinon, pourquoi venir spécialement à ce moment précis ?

« Si tu es venu m'empêcher de faire ce que je m'apprête à faire, je te conseille de rester sagement en dehors de ça. »

Un conseil ou plutôt une menace. Si Penn se mettait en travers de sa route, il n'hésiterait pas à le mettre hors d'état de lui nuire. Il ne comptait pas le tuer, il ne pourrait sûrement pas s'y résoudre mais il pouvait le blesser suffisamment pour lui en faire passer l'envie.

« Je ne te veux aucun mal, crois-moi. Je suis toujours très attaché à toi, à vous tous mais je ne laisserai personne m'empêcher d'obtenir ce qui me revient de droit. »

Et c'était la vérité, il avait toujours de l'affection pour sa famille mais cette affection était profondément enterrée sous une épaisse couche de ténèbres et de cruauté. Il les avait fuis mais il savait que le jour où ils chercheraient à le détruire finirait par arriver, c'était inévitable. Ils continuaient sans cesse de lui faire entendre raison, lui qui avait pourtant toute sa tête et qui avait fais son choix et lorsqu'ils comprendraient que c'est sans espoir, l'heure de la bataille commencerait.