Colors are a distraction. — Kaïden & Tamerlane

01.

Colors are a distraction.

Le fléau et la beauté de la modernité permettent à quiconque d'exister sans être. Une pile de données éparpillées. L'assemblage de quelques pixels téléchargés à des milliers de kilomètres. Des inconnus pour tous et pour eux-mêmes. De la technologie à la magie, en quoi est-ce le plus improbable de croire ?

Sans réfuter son utilité et son usage, Tamerlane s'est acclimatée à son utilisation. Une barrière si confortable, sécurisante. Impénétrable et anonyme. Nyx. Une signature qui lui est venue au temps où les murs blancs étaient son refuge. Des murs qu'elle a si souvent écorchés pour qu'ils daignent prendre forme. Ressembler à quelque chose. Quand bien même était-ce à ses pires cauchemars.

La matière, c'est bien tout ce qui a compté entre ses mains. Car le tangible est réconfortant. Il existe. La peur de ce qui ne peut être saisi et contrôlé. Modelé et défini. Bien qu'elle n'ait jamais été douée pour dessiner des portraits ou des paysages, c'est ce que Tamerlane peignait le plus. Car c'était concret, matériel, palpable. Mais depuis peu, celle qui expose sous le pseudonyme de la déesse grecque de la nuit, fille du chaos, s'échine à représenter les formes qu'elle dessine par sa volonté. Par ce pouvoir qui l'a tant terrifiée jadis et qui, aujourd'hui, fait partie intégrante de qui elle est.

Un pouvoir qui devient palpable.

Cette exposition est sa troisième en quasiment huit ans qu'elle est ici, à San Francisco. Dans ce quartier délaissé, son art arrive à intéresser quelques badauds douteux et de rares chineurs zélés. Ils ne dépensent ni énergie ni billets verts lorsque Tamerlane expose. Mais la curiosité que représente son art semble valoir le détour pour ces "marginaux" si bien lovés dans le moule de leur anti-conformisme devenu conformité. Et quelques étudiants en art qui se demandent comment ces torchons peuvent être exposés alors que leurs chefs-d'œuvre dorment dans le grenier d'un professeur aigri et grabataire.

Le social n'a jamais été la tasse de thé de l'artiste. Plus à l'aise à l'ombre, si elle pouvait se passer d'être et pourrait se transformer en une aura transmise au travers d'un écran, ce serait beaucoup plus confortable. Dans l'enchevêtrement de deux panneaux d'exposition, Tamerlane est tapie. Nul besoin de lunettes de soleil dans cette pièce qu'elle a commandée spécialement tamisée. Une lumière blafarde et faiblarde met en valeur les toiles peintes à l'huile. Des représentations abstraites que les couches de peinture mettent en relief.

La vision monochrome de Tamerlane lui facilite la tâche d'un travail nuancé de noir et blanc. Les couleurs sont une distraction. Elles empêchent de voir la réelle profondeur d'une forme, d'une silhouette. Elles occultent des sens la perception véritable d'un objet, d'une ombre. Bien que son pinceau appuie fortement les contrastes, Tamerlane offre au travers de ses œuvres la réelle apparence des sujets exploités. Comme si elle voyait au-delà d'une simple ombre projetée par la lumière. Comme s'il lui était capable de lire les formes de ces ombres.

Les voix basses témoignent un sentiment dérangeant dans ces tableaux. Quelque chose d'angoissant, d'inquiétant. L'image d'un mauvais rêve qui n'était pas pour autant un cauchemar, mais qui, au réveil, laisse l'amer sentiment que quelque chose de mal s'est déroulé sous nos yeux. Une analogie appuyée des innocents qui ne voient rien du sempiternel conflit qui ébranlent la ville depuis des siècles...

Une vue plus affûtée dans les lieux obscurs, Tamerlane discerne une personne particulièrement intéressée par un des tableaux inspiré d'un dessin griffonné au hasard sur une feuille plus proche du parchemin que du papier d'impression commun. Un symbole se lit en diagonale. Un pentagramme déstructuré exploité par la Triade. Tamerlane n'a pas tous les tenants et aboutissants de la symbolique ésotérique et du rôle de chacun dans la guerre du bien contre le mal. Mais elle sait qu'on ne s'intéresserait pas à ce tableau s'il n'évoquait rien en notre for intérieur. Intriguée, elle s'avance vers le visiteur sans le reconnaître.

« — Une confrontation. »

Seul mot-clé qui traverse les lèvres teintées d'un lie-de-vin qu'on lui a assuré traduire toute la profondeur de son énergie mystique. Ses cheveux bouclés habillement arrangés et sa robe noire cintrée, agrémentée de discrets bijoux d'or blanc, dessinent une personnalité qui sied entièrement au lugubre de cette exposition. Comme si l'artiste faisait partie de la mise en scène.

04.2024

@Kaïden Mitchell

Bras droit de la nouvelle Source du mal qui n'était autre que son cousin que toute la famille croyait mort avant même sa naissance, Kaïden avait su gravir les échelons de la hiérarchie démoniaque avec brio et rapidité. Il prenait son nouveau rôle très au sérieux et avait complètement embrassé le mal depuis plusieurs années maintenant. Sa famille ne l'avait pas très bien pris, à juste titre mais il s'en fichait, il avait coupé les ponts avec eux et seul comptait désormais ce que lui désirait. Entant que recruteur, il était de son devoir de pervertir les âmes pures et innocentes et qui de mieux qu'un ancien être bénéfique pour parvenir à un tel exploit ? Pour avoir côtoyé le bien depuis toujours, il savait précisément ce que le mal pouvait offrir à ce genre de personne et ce qui était susceptible de les attirer dans ses filets.

Ses pouvoirs lumineux étaient une couverture idéale puisque personne ne s'imaginait un instant qu'un être de lumière puisse avoir renié son héritage et c'est exactement là-dessus qu'il comptait pour pervertir ses proies. Il se contentait d'être la petite voix sur l'épaule des innocents, celle qui leur murmure de faire des choses atroces et de se laisser aller à leurs pires pulsions. Il jouait parfois les agents doubles auprès des sorcières dont il prétendait être le nouvel être de lumière, dans le seul but qu'elles baissent leur garde pour s'offrir à lui. Une fois la confiance installée, une fois leur vie sauvée à de multiples reprises, difficiles pour elles de le rejeter totalement en découvrant la vérité.

Et ce soir, la sorcière en question se nommait Tamerlane Proctor.

Il avait appris par l'une de ses sources que cette fille n'était autre que la progéniture de Lazarus et Ebony Proctor, deux sorciers maléfiques que sa famille et lui avaient éliminés il y a plusieurs années de ça pendant qu'ils cherchaient à restaurer l'équilibre en empêchant la balance de continuer à pencher en faveur du mal. Une décision de merde à laquelle il avait contribué même si aujourd'hui, avec tout ce qui avait changé chez lui, il la regrettait. Non, pas regretter, le mot était bien trop fort et les regrets n'étaient pas son truc mais disons qu'il devait rattraper sa bourde. Rendre au mal ce qu'il lui avait pris.

Pour réparer son erreur d'avoir détruis deux alliés de taille à l'époque, il était de son devoir maintenant de rallier Tamerlane et son frère au mal, histoire de rééquilibrer une fois encore cette fameuse balance cosmique en faveur du camp qu'il avait choisi.

C'est dans cette optique qu'il l'avait approché pour la première fois, par le biais des réseaux sociaux, prétendant s'intéresser à son art dans le but de gagner sa confiance. C'est grâce à ça qu'il avait été invité à son exposition de ce soir et qu'il allait pouvoir l'approcher en personne dans le but de la jauger et de voir si, comme le reste de sa famille, elle possédait cet attrait particulier pour les ténèbres.

Pour l'occasion, et ne sachant pas réellement comment se vêtir à ce genre de soirée, il avait opté pour un costume noir tout en élégance, tacheté de motif gris qui rappelait vaguement ce qu'un accident de peinture aurait pu causer. Ce n'est pas une tenue qu'il avait l'habitude de porter, préférant de loin les vêtements plus simples lui permettant plus de liberté de mouvements mais pour ce soir, il se devait de parfaire l'illusion et il devait bien admettre qu'en passant devant le miroir de son appartement, il s'était regardé à deux fois, appréciant la mise en valeur d'un tel accoutrement.

L'hybride n'était pas un amateur d'art, loin de là et il doutait de pouvoir même réussir à faire illusion le moment venu mais il n'empêche que les tableaux de la jeune femme dégageait quelque chose de sombre qui lui plaisait beaucoup. Il se surprenait même à réellement apprécier ses œuvres. Il arrivait presque à ressentir les ténèbres en elle au travers de ses peintures. Comme si le mal en elle cherchait à se manifester au travers de son art.

Il avait repérer sa cible à l'écart de la foule mais décidait de l'ignorer pour le moment, son regard obnubilé par une toile en particulier sur laquelle était représentée un pentagramme qui ne lui était pas étranger. C'était le symbole de la Triade. Ce trio maléfique qui était responsable de la mort de ses parents et que lui et sa famille avaient détruis dans le passé.

Un bref sourire naquit sur ses lèvres en constatant que les ténèbres présentes chez la jeune femme étaient bien plus proche de la surface qu'il ne l'aurait pensé. Peut-être que cette mission se révélerait être bien plus facile qu'il ne le pensait.

Il ne fit pas attention à Tamerlane qui s'approchait de lui.

« C'est ce que vous évoque ce tableau ? Une confrontation ? » redemanda-t-il sans même tourner la tête pensant s'adresser à un simple invité, son attention toujours porté sur le tableau dont il percevait clairement l'inspiration démoniaque.

« J'y vois là une lutte acharnée entre deux faces d'un même être. Une douleur ancrée à l'intérieur. Une noirceur qui cherche à s'extirper. Vous voyez ces traits ? » demanda-t-il en désignant du doigts les contours de la figure. « Ce n'est pas perceptible de suite mais ils représentent un pentagramme qui pointe vers le bas. C'est la domination de l'esprit par les ténèbres. »

Il se tourna enfin vers la jeune femme et constata qu'il s'agissait de Tamerlane, à qui il venait de déballer son petit monologue.

« Oh, mademoiselle Proctor. Je n'avais pas fais attention que c'était vous. »

Il lui tendit la main pour la saluer.

« Kaïden, je ne sais pas si vous me remettez. On s'est parlé sur Instagram l'autre jour. »

feat @Tamerlane Proctor.

01.

Colors are a distraction.

La silhouette dessinée dans une élégante veste dont Tamerlane pouvait apprécier l'excentricité, le visiteur partageait ses déductions. Le détail de ses réflexions traduisait l'absorption de ses pensées dans ce tableau précis. Il décela les lignes dissimulées et déplaça le mot de Tamerlane par "lutte". Si absorbé qu'il ne tourna pas la tête et poursuivit la description de la toile huilée.

La domination de l'esprit par les ténèbres. Et pourquoi pas la rédemption d'un esprit qui voudrait s'en extirper ? Le point de vue du spectateur avait beau être plus poussé que le commun des mortels, il n'en restait pas nimbé d'une évidence. Amenant la question du noir comme une fatalité. Cela n'empêchait pas l'artiste de l'écouter avec attention, se permettant d'approcher pour être à sa hauteur. C'est alors qu'il lui adressa un coup d'œil. Un regard assez révélateur pour comprendre qui s'était permis de troubler sa contemplation.

La sorcière forma un sourire de ses lèvres dessinées. Ses grands yeux bleus apaisés par l'obscurité n'eurent aucun mal à croiser ceux de l'invité. Calmes et stables, lovés dans leur élément privilégié : l'ombre.

« — Enchanté Kaïden. Votre visage me paraissait familier. »

Sa main se posa contre celle de l'homme apprêté. D'un mouvement, féminin mais sincère, ils se saluèrent.

« — C'est un plaisir. Bien plus plaisante que les critiques qui semblent s'être précipités sur ce vernissage sans même se renseigner sur ce qui y serait exposé. »

Une remarque lancée avec plus de dépit que d'embarras. Si on pouvait accorder une qualité à Tamerlane, c'est sa persévérance à peindre comme elle le souhaitait sans chercher à se conformer aux attentes de l'avis populaire. Plaire n'était pas la raison de vie de son art. Exprimer, extérioriser et raconter des histoires. Là se situait plus justement son intention. Ce qui a de bon dans la peinture, c'est qu'il ne s'agit pas d'un film à faire vendre aux salles de cinéma. Sur une toile, les messages et les histoires peuvent y être aussi dérangeantes et lugubres que les drames qu'affrontent plus de personnes qu'on ne souhaite le voir.

« — Quiconque détourne le regard d'un de ces tableaux se ment à lui-même, repoussant leurs propres ténèbres. Mais pas vous. »

Aussi étrange que ça puisse être, il s'agissait là d'un compliment qu'elle adresse en toute honnêteté. Tamy ne connaît pas grand-chose de cet amateur, seulement qu'il aime ce qu'elle fait et qu'elle apprécie leurs échanges. Même s'ils sont par écrans interposés. C'est plus facile pour elle de s'exprimer à l'écrit. Mais pour le premier soir de l'exposition, il faut bien qu'elle fasse l'effort de se montrer éloquente.

04.2024

@Kaïden Mitchell

Kaïden lui rendit son sourire tandis qu'ils se serraient la main pour se saluer. Un sourire qui aurait pu paraître faux pour quiconque connaissait l'homme qui avait cessé de sourire sincèrement aux personnes qu'il croisait. Depuis plusieurs années maintenant, les seuls sourires qu'on pouvait lire sur son visage étaient ceux qu'Alastair parvenait à lui soutirer. Eux et ceux qui se formaient lorsqu'il causait du tort.

Oh, le plaisir était partagé, il avait attendu cette rencontre pendant des semaines. Cette rencontre dont il espérait pouvoir tirer quelque chose. Corrompre une âme supplémentaire pour gonfler un peu plus les rangs de l'enfer et reprendre le pouvoir sur ce monde qui ne méritait que de brûler dans les flammes. S'il avait autrefois tout fais pour ramener la lumière dans le monde, aujourd'hui ce n'était plus le cas et tout ce qu'il désirait, c'était l'étouffer définitivement.

« Parce qu'ils ont peur d'accepter qui ils sont en leur for intérieur. Ils se mentent à eux-même. Une bande de lâches qui préfèrent vivre dans leur monde illusoire où la seule lumière qu'ils ont pourtant est celle du flash de leur téléphone. »

Un pic à peine voilé qui s'adressait autant à cette bande d'ignares qu'à la brune en face de lui. Même si elle semblait bien plus encline à accepter la noirceur en elle que le reste du monde, force est de constater qu'elle ne s'y était pas totalement abandonnée encore.

« Je ne suis pas du genre à repousser les ténèbres, bien au contraire.» répondit-il à sa remarque avec un léger sourire tandis qu'il fixait ses deux prunelles d'un bleu azur.

Même s'il n'était pas attirée par la gente féminine, il ne pouvait que constater à quel point Tamerlane était attirante et possédait un certain charme qui devait faire tourner plus d'une tête. La noirceur qui émanait d'elle n'en était que plus attirante encore. Mais ne nous égarons pas, il n'était pas là pour ça.

« Je les accueille avec plaisir et vos tableaux semblent tous imprégnés d'une certaine forme de noirceur et de douleur, c'est ce qui me plaît dans vos œuvres. »

Au delà du fait d'essayer de la flatter, tout ce qu'il lui disait était la vérité. Jamais il ne s'était arrêté sur des tableaux avant de connaître son travail. Jamais il n'aurait cru pouvoir apprécier se perdre dans des peintures avant.

« J'imagine que pour réussir à retranscrire autant d'émotions de ce genre, tout ceci ne vous est pas étranger n'est-ce pas ? » demanda-t-il même si sa question pouvait paraître déplacée. Il n'était pas maître dans l'art de la bienséance.

La douleur, la noirceur, bien sûr qu'elles ne lui étaient pas étrangères. Il lui fallait maintenant savoir comme réussir à les libérer d'avantage.

feat @Tamerlane Proctor.

01.

Colors are a distraction.

Les conclusions sont fortes à tirer, et décrivent une lucidité sur la condition humaine qui ne peut être qu'à déplorer. De la lâcheté, le mot paraissait grossier et démesuré, car l'ignorance pouvait représenter une grande partie de ceux qui ne souhaitaient pas se confronter aux visions en noir et blanc exposées ce soir. Et beaucoup de déni, aussi. Sombre poésie qui se déroulait au travers des panneaux habillés de toiles abstraites aussi gênantes que résonnantes entre les lèvres du visiteur zélé.

Son interprétation captait avec intérêt l'attention de l'artiste achromate. À l'entendre, la lumière elle-même n'était qu'un subterfuge. Un mirage. Une dérision qui trouve son écho dans le cœur de Tamerlane. Depuis ses retrouvailles avec son frère, la lumière avait une toute autre signification à ses yeux. Ce n'était plus l'ennemie, la force qui l'écrase et clôt ses yeux pour l'empêcher de profiter de ce qu'elle peut espérer voir dans ce monde. Un monde découvert sur le tard. Beaucoup trop tard. Ce qui la pousse à une frontière si fine à franchir pour ressembler à ses parents...

L'ombre et la lumière. Le mal et le bien. Le désespoir et l'espoir. La noirceur et le sacré. Des oppositions, en toute circonstance. Voilà sa persuasion. Cet état de fait que Thaddeus avait totalement remis en cause. Aurait-elle découvert sa magie avec n'importe qui d'autre qu'elle aurait certainement choisi le mal. Non pas par cruauté, mais par égoïsme. Un choix qu'elle ne semblait pas être la seule à accéder si aisément. Son spectateur en témoignait, acceptant cette noirceur propre à chacun plutôt qu'à vouloir la repousser. Le contraire le vaudrait pour lâche à ses yeux, ainsi il ne pouvait faire d'autre choix que d'accepter la confrontation. Au moins par orgueil.

La confession de l'admirateur flattait l'artiste, elle aussi en proie à l'orgueil. Il fallait bien l'admettre. Sinon, elle ne se donnerait pas la peine de montrer son art au public. Paradoxalement, ses pires défauts étaient ceux qui la forçaient à sortir de sa coquille. Par chance, elle trouvait en l'appréciation de Kaïden une forme de soutien. Comme une vibration rassurante qui lui accordait d'occulter le reste. Le jeune homme avait ça pour lui de dégager une aura hypnotique, magnétique. Tamerlane ne se perd pas à réfléchir au comment du pourquoi. Mais la façon qu'il avait de la regarder devait jouer.

Fut le tour de Tamy d'aller à confesse. Ses yeux se plissèrent un bref instant dans son sourire qui traduisait l'audace de la question. Elle se pencha vers lui, accordant une voix basse et un ton malicieux.

« — Disons qu'en suivant votre analyse, la lâcheté ne fait pas partie de mes tares », se contentèrent d'articuler ses lèvres lie-de-vin.

Tamerlane se redressa et s'approcha du tableau qui aura su capturer l'attention de Kaïden. Sans vergogne, elle effleura de la pulpe de ses doigts les branches du pentagramme.

« — La symbolique est un vivier aussi étendu que n'importe quelle croyance. De la même façon qu'un pentacle peut servir le bien et le mal, la lumière engendre l'ombre, et tout se mélange dans les nuances de nos esprits. L'idée n'est pas de savoir si l'empreinte est de douleur et de noirceur, mais la place qu'on lui laisse prendre. Et j'ai toujours préféré l'obscurité à la lumière. Beaucoup moins frustrante et culpabilisante », affirme-t-elle en jetant un coup d'œil mesquin à Kaïden.

Le bien a toujours défendu des règles qui paraissent arbitraires aux yeux de Tamerlane. Bien sûr, Thaddeus l'a assez mise en garde pour ne pas chercher à utiliser la magie à des fins personnelles. Cependant, elle trouve injuste de posséder un pouvoir sans qu'il ne lui soit permis de l'exploiter, de le laisser s'exprimer. Conserver le secret reste prioritaire sur le reste, mais finalement, le reste, pourquoi ne pas en profiter ? Des barrières sociales qui lui sont encore étrangères. C'est comme donner des ailes à un humain, mais lui interdire de les déployer pour s'envoler. Voilà sa véritable frustration, le fond du questionnement qui la pourchasse depuis son arrivée à San Francisco. De plus, dans cette grande ville, il était si aisé de se dissimuler à la vue de tous...

04.2024

@Kaïden Mitchell

Les mots de la brune lui faisaient plaisir. Il n'y avait aucun doute à avoir, avec les bons arguments, avec le bon levier, Kaïden parviendrait à lui faire suivre la trace de ses parents décédés et lui faire rejoindre le mal. Il omettrait de lui dire qu'il était celui à l'origine de leur mort et par chance, son nom de famille lui permettait de dissimuler aisément son appartenance aux Halliwell, si tant est qu'elle soit au courant qu'il s'agissait des responsables de leur extermination.

Il pouvait lui proposer une vengeance, c'était là le meilleur moyen de la faire succomber aux ténèbres en elle mais l'hybride n'était pas forcément prêt à anéantir sa famille. Même s'il était maléfique, il ne pouvait nier l'évidence qu'il était toujours attaché à eux et qu'il le serait probablement à jamais. Maléfique ou non, son âme était toujours en lui, ses émotions également. Il n'était pas un démon sans cœur et impitoyable.

« Comme je vous comprends. L'obscurité peut offrir un refuge, une intimité, une liberté absente dans la lumière éclatante où chaque défaut est exposé et scruté. »

Et c'était là toute la beauté des ténèbres, cette liberté qu'elles offraient. Aucunes règles, aucunes limites ou barrières. Tout devenait possible en leur sein. Outre le fait de faire du mal aux autres, c'est surtout ces choses-là qui l'avaient attiré dans le mal la première fois. Il avait eu l'impression de revivre, de respirer pour la première fois loin de toutes ces règles que les fondateurs avaient mis en place. Ces règles stupides qui interdisaient aux sorciers de pouvoir être vraiment eux-même.

« Dans l'obscurité, il y a moins de contraintes, moins de jugements extérieurs, moins de pression. »

Il savait que Tamerlane n'avait pas encore exploré tout le potentiel que l'absence de règles pouvait lui permettre. Qu'elle n'avait jamais laissée s'exprimer pleinement ses pouvoirs, sans retenue et sans craintes des représailles.

Il détourna le regard de la toile et le plongea dans celui de la jeune femme, un regard pétillant de malice, joueur, qui la mettait presque au défi. Il ralentit le temps dans la galerie quelques secondes, immunisant Tamerlane aux effets de son pouvoir pour qu'elle puisse être consciente de ce qu'il se passait et lui fit ensuite reprendre son cours normal, un sourire aux lèvres.

« Nous avons beaucoup en commun, vous et moi. Si vous me le permettez, j'aimerai voir jusqu'où peut aller votre noirceur à l'occasion. »

Une noirceur qu'il savait pouvoir exploiter à son avantage. Il pouvait l'aider à l'embrasser pleinement, à la révéler davantage pour que le monde entier puisse en profiter.

feat @Tamerlane Proctor.

Sans avoir le moindre effort à faire, Tamerlane se reconnaissait dans les descriptions du visiteur admiratif. L'obscurité cache beaucoup de chose, dissimule les complexes, les anomalies. Sans se déprécier pour autant, Tamy se considérait être une anomalie. Même si elle sait ne pas être seule sorcière, l'artiste a conscience que même dans ce milieu, elle dénote. Peut-être était-ce dû à la façon particulière qu'elle a de percevoir le monde. Ces nuances d'ombres et de lumière qui découpent chaque trait d'une manière plus contrastée que ne le laissent paraître les couleurs. Il y a du bon à avoir cette vision monochrome de l'environnement et ce qui l'entoure. Par sa maladie et ses pouvoirs, Tamerlane devine ce qui est caché. Toute proportion gardée bien sûr. Et elle perçoit l'anarchie dans le regard du spectateur. Une anarchie pour le moins attrayante.

L'exhibition qu'impose la lumière est un fardeau aux yeux de Tamerlane. Peine que Kaïden souligne sans détours. C'est bien là une vérité qui frustre la sorcière. L'idée de tamiser les lumières l'aide d'ailleurs à accepter d'être en public dans cet endroit où finalement, aucun visage ne reste inconnu pour les autres. Il n'y a pas assez de monde pour se fondre dans la masse. Et en plus, c'est l'artiste qui expose... Tamerlane n'apprécie guère cet exercice. Complexée par son physique, par son inadéquation sociale, par son manque d'assurance qu'elle tente de feindre au travers d'un maquillage marqué et de vêtements sobres. Impossible de se laisser aller à ce qu'elle est réellement. Un moule de la société dans lequel il lui est difficile de se conformer, mais pour lequel elle fait des efforts. Ces normes n'existent pas pour rien, elles préservent de la sauvagerie et du chaos. Car c'est là une chose dont Tamerlane a pris conscience en retrouvant son frère et découvrant la magie : sans contraintes et sans limites, il serait si simple de briser l'équilibre...

Loin de prêter un quelconque engagement au respect de l'équilibre, son éducation et les valeurs qu'on tente de défendre autour d'elle, font que Tamerlane est bridée, décidée à ne pas tordre le cou aux règles du jeu. Même si le grimoire des Proctors recèle de formules dont elle se servirait bien, Tamy craint l'effet triple en retour. Le coût de ce choix vers la facilité. Les mises en garde de Thaddeus font foi de loi au regard de la sorcière. Après tout, il a vécu dans ce monde depuis tout petit, ils partagent le même nom, le même sang, elle doit lui faire confiance. Et lui fait entièrement confiance. Cependant, la proposition de Kaïden fait ciller Tamy, lui proposant à demi-mots une alternative dans laquelle elle pourrait bien trouver son compte. Lui vient, à ces mots, l'idée qu'il serait au courant de ses dons. Au courant de ce qu'elle est. Une révélation à la fois dangereuse et exaltante. Serait-il, lui aussi, un sorcier ?

— Est-ce une proposition indécente ? Ou une invitation au mystique ?

C'est que Tamerlane se fait méfiante. De tout et de tous. D'autant plus s'il s'agit d'une personne qui connaît son secret. Un complexe de plus à ajouter pour alimenter son sentiment d'insécurité ? Tamy reste sur ses gardes, mais, en même temps, est curieuse de savoir ce qu'il en est. Si cet admirateur a pu décrypter certaines de ses œuvres pour en conclure une nature qui dépasse le réalisme inculquer à tous depuis la naissance.

Loin d'être un expert dans l'art de la manipulation, il n'en restait pas un débutant pour autant et avait déjà perverti son lot d'âmes depuis qu'il avait rejoins les factions de l'enfer. Tamerlane ne serait que la prochaine des âmes qu'il corromprait. Car oui, il avait bien l'intention de mener à bien sa mission et de la réussir. Peu importe ce que ça lui coûterait, la Proctor rejoindrait le mal.

L'hybride s'esclaffa légèrement lorsqu'elle lui demanda s'il s'agissait d'une proposition indécente. Il est vrai que l'on pouvait le voir comme ça. Se laisser aller au mal pouvait avoir l'air d'être quelque chose d'indécent, si on le prenait dans ce sens là.

« Et bien, l'une n'exclue pas l'autre, mais plutôt la deuxième option. »

Il s'approcha doucement d'elle, sans geste brusque pour ne pas risquer de l'effrayer, ce qui n'était pas du tout son intention et se pencha au niveau de son oreille pour murmurer.

« Je sais qui vous êtes, mademoiselle Proctor. Ou plutôt, ce que vous êtes. »

Il était inutile de tourner d'avantage autour du pot. Autant mettre les pieds directement dans le plat, sans détour. Une fois cette révélation dévoilée, il fit quelques pas en arrière sans la quitter des yeux un seul instant. Il se demanda jusqu'où devait aller ses révélations. Fallait-il qu'il lui parle dès maintenant de ses parents qu'il avait brièvement connu ? Qu'il était en partie responsable de leur mort ? Non. Tout ceci ne viendrait qu'après, même s'il omettrait quelques détails concernant leur funeste destin comme sa propre implication dans leur meurtre.

« Alors, que pensez-vous de ma proposition ? Vous laisserez-vous tenter par un peu de noirceur ? » demanda-t-il en lui proposant sa main, l'invitant à poser la sienne dans sa paume.

La star de la soirée pouvait bien se permettre de s'éclipser quelques instants. Surtout que Kaïden avait le pouvoir de rendre ces instants imperceptibles pour les amateurs d'art de la galerie. Rien de plus facile pour lui que de ralentir l'écoulement du temps à leurs yeux de mortels.

« Laissez-vous tenter... je suis persuadé que je saurai mettre en lumière certains de vos talents, ainsi que la réponse à certaines de vos interrogations. »

Il la savait novice en ce qui concernait le monde de la magie, et il savait qu'elle avait forcément quelques interrogations en suspend … interrogations auxquelles il se ferait un plaisir de répondre. A commencer par celles qui concernaient ses parents. Il pouvait lui apporter sa vengeance sur un plateau si tant est qu'elle se laisse aller à ses plus noires et ses plus profondes pulsions.

feat @Tamerlane Proctor.

Dans l'atmosphère tamisée de la galerie, Tamerlane ressentait chaque mot de Kaïden comme une caresse sournoise de l'obscurité. Une séduction masquée qui, à ses dires, n'avait rien d'indécent. Sous des propos en apparence anodins, le visiteur se fait tentateur. Tamy n'était pas dupe. Elle savait reconnaître le danger, même lorsque celui-ci était habillé d'un sourire charmeur.

Les mots de Kaïden résonnaient comme l'écho sinistre de ses propres doutes et de ses peurs les plus profondes. Une part d'elle voulait penser qu'il savait. Il savait ce qu'elle était, ce qu'elle cachait. Tamerlane aurait dû se sentir exposée, vulnérable, elle qui n'aime pas être lue si aisément. Mais au contraire, elle ressentait une étrange forme de soulagement. Enfin, quelqu'un qui ne la jugeait pas pour ce qu'elle était, mais qui semblait l'accepter. Car en dépit de la chaleur familiale qu'elle ressentait auprès de Thaddeus, Tamy avait l'impression qu'il n'acceptait pas cette part d'ombre qui l'habitait. Sans savoir qu'il avait tout à fait raison d'avoir peur de cette face de la médaille...

Son regard croisa celui de Kaïden, un échange muet chargé de sens. Elle pouvait voir dans ses yeux le reflet de sa propre noirceur, une lueur d'obscurité qui lui était étrangement familière. L'invitation à se laisser tenter par les ténèbres résonnait en elle comme une promesse de libération. Libération de ces contraintes qui l'entravaient, de ces règles qui la bridait, de cette vie qui la maintenait prisonnière de son propre esprit tourmenté. Tout ceci paraissait finalement trouver son sens... non ?

Elle sentit une étrange chaleur envahir son être alors que Kaïden lui tendait la main, l'invitant à plonger dans l'abîme avec lui. Une part d'elle résistait encore, terrifiée par l'inconnu, par ce qu'elle pourrait découvrir sur elle-même. Mais une autre part, plus sombre, plus profonde, l'attirait irrésistiblement vers lui. Faisant passer le vernissage à l'arrière-plan.

Tamerlane leva lentement sa main pour la poser dans la sienne, un geste à la fois d'acceptation et de défi. Elle sentit le contact de sa paume contre la sienne, une sensation électrique qui parcourut tout son corps. Une connexion mystique qui la liait à cet homme, à cet admirateur qui semblait connaître tous ses secrets.

— Vous avez réussi à éveiller ma curiosité, monsieur Mitchell, murmura-t-elle d'une voix teintée d'une étrange fascination. Je suis prête à explorer cette part sombre, celle avec qui je marche côte à côte depuis tant d'années sans jamais vraiment l'embrasser dans son entièreté.

Elle avait la sensation que cette décision marquerait un tournant dans sa vie, un point de non-retour. Mais pour la première fois depuis des années, Tamerlane se sentait vibrer d'une énergie nouvelle. Une énergie qui la poussait à vouloir en savoir plus sur la vérité de sa nature de sorcière, à plonger tête la première dans les abysses de l'obscurité qui l'attirait tant.

— Montrez-moi le chemin, je suis prête à suivre vos pas dans les ténèbres. Je vois en eux mieux qu'en plein jour, incita Tamerlane.

Parfait. Éveiller sa curiosité pour qu'elle se laisse tenter était tout ce qu'il avait espéré de cette soirée et elle s'était laissée aller bien plus rapidement qu'il ne l'aurait espéré. Bon, son travail débutait à peine et il ne fallait pas qu'il tire trop de plan sur la comète mais c'était déjà un pas dans la bonne direction.

« A la bonne heure. » dit-il avec un large sourire aux lèvres tandis que la main de la femme venait se poser dans la sienne.

Il serra ses doigts délicatement tout autour et, après avoir ralentit le temps autour d'eux pour que personne ne s'aperçoive de rien, il les éclipsa directement dans un coin à l'écart dans le Golden Gate Park. Un coin réputé pour être le terrain de chasse favoris d'un groupe de vampires de sa connaissance. Les suceurs de sang n'étaient pas des alliés à lui, ni ceux de la Source et leur perte ne causerait de tort à personne qu'il ne connaissait, ils étaient donc les proies idéales pour ce qui allait suivre.

Kaïden n'allait pas directement obliger Tamerlane à s'en prendre à des innocents, non, il lui fallait y aller par étape, il lui fallait lui montrer toute la puissance et le pouvoir qu'elle détenait en la poussant à y faire face et à la libérer sans aucune honte. Elle devait laisser cette sensation l'envahir complètement, se laisser aller sans retenue et quoi de mieux que quelques êtres maléfiques pour lui servir de défouloir ?

Plus loin devant eux, un couple d'adolescentes se bécotaient sur l'un des bancs du parc et à ne pas douter, elles seraient attaquées dans peu de temps. Le Halliwell le savait, il connaissait bien cette vermine là, ils attaqueraient à plusieurs dans peu de temps dans l'espoir, soit de se nourrir, soit de les convertir à leur essaim.

« Un groupe d'individus maléfiques ne devrait pas tarder à arriver. Déchaînez vos pouvoirs sur eux dès qu'ils essayeront de s'en prendre à ce couple, là-bas. » lui demanda-t-il en pointant les jeunes du doigts. C'était encore loin de la noirceur qu'il désirait voir s'exprimer chez elle mais, il fallait bien débuter quelque part. Kaï n'était pas du genre patient et il aurait préféré sauter directement dans le grand bain avec elle mais cette fois-ci, il pouvait bien faire un effort.

A la place d'un groupe de vampire, ce fut des hommes qui débarquèrent, commençant à insulter les deux femmes en les menaçant d'un couteau. Les deux êtres magiques étaient trop éloignés pour entendre ce qu'ils disaient mais connaissant le monde étroit d'esprit dans lequel ils vivaient, nul doute qu'il s'agissait d'insulte concernant leur sexualité.

C'était bien mieux que ce qu'il avait espéré. Elle pourrait s'en prendre directement à des mortels.

« Vous avez le pouvoir de les aider Tamerlane. Vous êtes puissante, une déesse au milieu de ces misérables fourmis. Montrez leur l'étendue de votre puissance. Mettez les à genoux devant vous et faites leur regretter leurs actes. » lui murmura-t-il à l'oreille comme s'il était un diable posé sur son épaule. La voix d'une conscience prompt à préférer voir ses mauvais penchants plutôt que l'inverse.

feat @Tamerlane Proctor.

Toute cette vie était encore nouvelle aux yeux de Tamerlane. Bien qu'elle soit arrivée aux États-Unis depuis près de huit ans, elle se sentait encore comme une novice. Et, dans la vie sociale - normal vu son tempérament -, et comme sorcière. Cette révélation du monde magique a été un tel électrochoc qu'aujourd'hui, Tamy accepte toute parcelle d'inconnu qui se présente à ses yeux. Saisir ce genre d'opportunités s'avère aussi effrayant qu'exaltant. Un excès de confiance en elle qui s'avérait plus dangereux qu'elle ne pouvait l'imaginer...

D'un simple clignement, quelques secondes à peine, ils se téléportaient en dehors de la galerie. C'était un risque énorme aux yeux de la sorcière ! Qui comprit, de fait, qu'il était un sorcier, lui aussi. Ou son être de lumière ? C'était totalement embrouillé dans son esprit... Peut-être que la téléportation lui avait fait tourner la tête.

Dans l'obscurité du parc, Tamerlane sentait son cœur battre la chamade. La main de Kaïden serrait la sienne, une sensation en même temps rassurante et angoissante. Bien qu'elle avait longuement échangé avec lui par le biais d'internet, il n'était qu'un inconnu, finalement. Et qui en savait plus sur elle qu'elle n'en savait sur lui. Elle savait qu'elle avait franchi un point de non-retour en acceptant de suivre cet homme dans les ténèbres, mais maintenant qu'elle était là, elle ne pouvait plus faire marche arrière. Tant pis pour le vernissage. Tamy trouverait bien une excuse à donner à Liv.

Elle observa le couple d'adolescentes, inconscientes du supposé danger qui les guettait. Tamerlane se demandait comment il pouvait savoir tout ça... Mais la tension dans l'air était si palpable qu'elle ne posa pas la question à voix haute. Libérer son pouvoir... C'était tentant, mais effrayant à la fois. Elle n'avait jamais usé de ses pouvoirs à des fins offensives... Comment les ombres pourraient-elles l'être ? Comment son hypnosie pourrait agir à une telle distance ? Tamerlane ne se sentait pas prête, mais elle suivait toutefois les instructions de Kaïden.

Lorsque les hommes apparurent, menaçants et agressifs, Tamerlane sentit une bouffée de colère monter en elle. Ils étaient là, invectivant le couple avec une agressivité visible. Les mots de Kaïden résonnaient dans sa tête, comme une voix diabolique, l'encourageant à laisser libre cours à sa puissance. Alors que quelques volutes d'ombres violacées émanèrent de son corps, elle tourna la tête vers Kaïden.

— Les démons n'usent-ils pas de pouvoir plutôt que d'insultes ? Ils ont plus l'air d'homophobes que de créatures maléfiques... Même s'ils sont en bonne voie pour l'être, concéda-t-elle dans son hésitation. Comment pouvez-vous être sûrs de leur nature ?

La voie de la raison était-elle sa faculté de réflexion, ou bien le résultat des questions et longues théories détaillées par son frère ? Toujours est-il que ses ombres se résorbèrent, s'évanouissant contre sa peau comme des flammes étouffées par le manque d'oxygène. Elles étaient bridées, ça transpirait. Tamerlane a toujours cette crainte inconsciente de son pouvoir. De ce qu'elle pourrait être capable de faire si ses barrières morales sautaient. Elle n'a pas envie de répondre de façon démesurée aux injustices et incivilités qui pullulent dans la société.

Lorsqu'il aperçut les stries de ténèbres commencer à émaner de son corps, il sourit de toutes ses dents. C'est ça qu'il voulait voir, des ombres, de la puissance, de la mort. Il voulait qu'elle suive tête baissé l'héritage que ses parents avaient laissé pour elle. Qu'elle mette ses pouvoirs au service du mal.

Mais ses espoirs furent bien vite interrompus lorsqu'elle se mit à douter et que l'énergie libérée s'estompa dans le vide presque aussitôt. Peut-être avait-il été un peu trop rapide dans son approche. Peut-être que la jeune femme avait besoin de plus de temps.

« En général si mais pas toujours, certains sont dépourvus de pouvoir offensifs et préfèrent utiliser les mêmes méthodes que les humains. »

Si elle refusait de s'en prendre à eux, il n'y avait plus qu'à espérer que les vampires finissent par pointer le bout de leur nez. Avec des canines bien visibles, elle n'aurait aucun doute sur leur nature et serait sans doutes plus encline à passer à l'attaque même si Kaï aurait préféré qu'elle attaque ce groupe de mortels. Si elle ne le faisait pas, il s'en chargerait peut-être, les faire souffrir commençait à le démanger sérieusement. Il ne voulait pas sauver le couple d'adolescentes mais ce genre de comportement homophobe l'avait toujours mis en rogne.

« Certains préfèrent prendre leur temps, avec la magie c'est bien trop rapide et ils aiment voir souffrir un maximum leurs victimes. »

Pas sûr que son explication tienne la route mais il devait tenter le tout pour le tout.

« J'ai le pouvoir de deviner la véritable nature d'un être. C'est comme ça que j'ai su que vous étiez une sorcière et que je sais que ces hommes sont des démons. »

Il tendit la main dans leur direction lorsque l'un d'eux s'approcha du couple avec son arme à la main et le fit exploser dans une nuée d'orbes. Son cri d'agonie résonnant dans tout le parc. Le couple prit la fuite à toute vitesse et avant que le reste des assaillants ne puissent faire pareil, Kaïden fit jaillir des tentacules d'énergie du sol pour les immobiliser.

« Vous voyez, c'est simple. »

Le sang de l'humain explosé fit arriver le groupe de vampires, attirés par l'odeur du sang qui embaumait le lieu et Kaïden rompit son étreinte sur les hommes. La horde lança un regard dans leur direction et une partie commença à avancer. Parfait, si Tamerlane était directement ciblée, elle n'aurait pas d'autre choix que de riposter.

« Eux, ce sont des vampires. Mais j'imagine que leurs regards affamés et leurs canines vous donne déjà un bon indice sur leur nature. A vous de jouer mademoiselle Proctor... »

Puis il fit quelques pas en arrière pour la laisser exprimer pleinement son potentiel sans risquer de se prendre un mauvais coup au passage. Il interviendrait bien sûr en cas de besoin mais pour le moment, il voulait voir comment la femme se débrouillait en réelle situation de crise.

« Ces créatures sont du genre coriaces alors mettez le paquet. »

feat @Tamerlane Proctor.

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