Une Martinez a éliminé - Alice

Le soleil brille et Alice entend bien en profiter. Un jour de congé, qu'elle destine à se ressourcer, à quitter la maison pour se rendre au cœur de la forêt.

Habitude devenue nécessité car, bien qu'elle ne fane pas comme les nymphes pures en restant en ville, elle ressent ce manque, ce besoin d'être dans la nature. Un besoin qui joue sur son moral, pouvant aller jusqu'à la plomber d'une déprime profonde si elle lutte trop longtemps. Elle ne lutte jamais très longtemps, Alice. Pas contre cette envie de sentir l'herbe sous ses pieds, le vent jouer dans ses cheveux... Elle regrette, très souvent, de ne pas avoir connu sa mère. De ne pas avoir pu mieux comprendre sa nature de demi-nymphe, alors même qu'elle s'y sent profondément connectée. Les nymphes se font discrètes, presque impossibles à saisir tant elles semblent filer avec le vent. Et pourtant, aujourd'hui, alors qu'elle marche pieds nus au milieu de la végétation, c'est bien elles que l'hybride cherche.

Elles et des réponses aux questions qu'elle ne cesse de se poser sur sa nature. Si son père a fait un travail formidable en l'aidant à canaliser ses pouvoirs, il reste ce vide. Immense. Le manque d'une mère, le manque d'une transmission générationnelle. Elle maîtrise ses pouvoirs, ceux de naissance. Cette communion avec la faune et la flore, qu'elle ressent jusqu'au plus profond de son âme et cette capacité à se faire transparente au besoin, disparaître de la vue d'autrui, se cacher, comme le font ses consœurs. Mais il lui manque l'essentiel ; comprendre entièrement ses origines...

Un cri de douleur. C'est ce qui la sort de ses pensées. Et il lui avait suffit de se concentrer pour distinguer la présence de deux individus, non loin d'elle. Le reste n'a été que de la déduction ; facile de deviner, dans cette situation, qui tenait du démon et qui tenait de l'innocent. Se faisant invisible, Alice n'hésite pas longtemps, luttant pour ne pas se figer d'horreur devant le spectacle. Une nymphe, assurément, en train de se tordre de douleur sous l'assaut d'un démon dont Alice ne prend pas la peine de détailler les traits dans un premier temps.

« Fuis ! » lâche la demi-nymphe, brisant son invisibilité pour faire grandir d'un geste de la main les ronces autour du démon et le déstabiliser au moins quelques secondes, laissant tout juste le temps à la pauvre créature pacifiste de s'évanouir dans la nature environnante. Le cœur battant à tout rompre, la sorcière enfouit sa main dans son sac, laissant ses doigts se refermer autour d'une fiole de potion explosive. Elle ne sort jamais sans. Et elle se tient prête à combattre. Qu'importe le démon, il a choisi le mauvais endroit pour se retrouver face à une phytokinésiste...

Même si Alice est loin d'être au bout de ses surprises, tandis que le visage du démon est encore camouflé par les ronces ayant maintenant atteint une taille conséquente autour de lui.

L'odeur est insoutenable. En voyant souffrir la nymphe, c'est presque elle-même qui souffre... mais elle ne regrette pas d'avoir agit. Peu importe les mots venimeux susurrés par le démon. La nymphe saura retrouver son groupe, panser les plaies infligées. Elle aura besoin de temps, d'une attention toute particulièrement, mais Alice veut croire qu'elle s'en sortira.

« Ne sous-estime pas les nymphes. » lance-t-elle, mâchoire serrée. Avant que le visage du démon ne la percute. Visage vu uniquement dans les songes d'un oracle, alors qu'elle y recherchait des réponses, des indices sur ses origines. Sur la raison pour laquelle elle a été privée de la douceur d'une mère. « Toi... » L'espace d'une seconde, Alice perd sa combativité. Ce visage. Celui apparu dans sa quête de réponse. Lié, d'une façon ou d'une autre, à la disparition de sa mère. La demi-nymphe a l'impression que le sol se dérobe sous ses pieds. Lysander Blake. Il ne lui manquait que ce nom pour assembler les pièces d'un puzzle éparpillé depuis sa naissance. Tueur de Nymphes... et probablement responsable de la disparition de sa propre mère.

La colère vient l'embraser, la rend bien imprudente alors qu'elle lance une première potion explosive qui termine sa course aux pieds du démon et le projette en arrière. Elle en profite pour se rendre invisible, disparaître dans la végétation environnante, le cœur lui tambourinant dans la poitrine. Et elle profite de son invisibilité pour essayer de calmer les battements assourdissants de son palpitant, finissant par étudier le terrain de leur affrontement pour tenter d'en tirer profit. Sa main se tend à nouveau, pour accélérer la croissance d'une branche de lierre enroulée autour de la cheville du démon. Et la faire grandir pour l'y emprisonner, cherchant à lui faire perdre l'équilibre.

« Amalia. Je suis la fille d'Amalia. » lance-t-elle, toujours couverte de son voile d'invisibilité. Voile qu'elle abandonne en s'emparant d'une potion paralysante, le bras prêt à l'envoyer sur le démon. « Pourquoi t'en être pris à elle ? Il y a presque 31 ans. Tu t'en es pris à des nymphes innocentes. C'est toi qui a détruit le groupe dans lequel vivait ma mère. Pourquoi ? » Une affirmation ponctuée d'un besoin de comprendre.

Et à son cou brille un pendentif que le démon saura lui aussi reconnaître. Celui que l'on transmet de génération en génération du côté paternel de sa famille. Un indice sur son nom, sur ses origines, plaqué contre sa peau hâlée. Les mots n'ont pas besoin d'être prononcés ; ce simple bijou la trahit. Elle est une Martinez. Une Martinez en proie à des émotions bien trop fortes pour elle.