Ghosts of the past (Abigail)

19h. Les journées rallongeaient avec l’arrivée du printemps et les riverains en profitaient pour laisser leurs enfants s’ébattre dehors un peu plus longtemps après leur sortie de l’école. Parfois, comme c’était le cas ce jour-là, Masaru s’installait sur un banc et les observait, ombre silencieuse que certains parents toisaient avec défiance lorsqu’ils s’aperçevaient que, contrairement à eux, il était venu seul.

Le japonais n’avait que faire de leurs regards inquisiteurs, ayant l’habitude qu’on lève sur lui des yeux animés d’émotions bien plus intenses. Il n’était pas une menace pour les faibles petits humains qu’ils étaient, pas alors qu’il était libre de tout contrat. Il se divertissait, simplement, cherchant à comprendre le fonctionnement d’un monde auquel il était étranger.

Lorsque la nuit était tombée, il avait pris congé du parc et il avait fait un arrêt dans une boulangerie française pour y attraper un sandwich, qu’il mangerait sur le pouce en rentrant jusqu’à son hôtel.

Ses activités étant à risque, il avait fait le choix de ne plus se sédentariser maintenant qu’il était contraint de faire cavalier seul. Au Japon, il vivait dans une grande maison traditionnelle avec le reste de son clan, sur laquelle chacun veillait à tour de rôle pour assurer aux autres un sommeil serein et réparateur. Ici, aux Etats-Unis, il ne pouvait compter que sur lui-même et ne pas demeurer longtemps au même endroit était le meilleur moyen pour échapper à des représailles.

Il n’était plus qu’à un petit kilomètre de sa chambre lorsqu’un pressentiment désagréable l’avait envahi. Sans modifier son allure, il avait tendu l’oreille et s’était montré plus attentif à son environnement. Au bout d’une poignée de minutes, certain de sa conclusion, il avait changé d’itinéraire. Quelqu’un le suivait, et ce n’était probablement pas pour lui demander l’heure.

Ses pas l’avaient conduits jusqu’à une ruelle quelque peu isolée, dans laquelle il s’était immobilisé. Il était né pour être un prédateur et non pas une proie, fuir n’était donc pas le premier de ses réflexes.

- Inutile de rester cachés, si c’est pour être aussi peu discrets…

Sa voix était calme, assurée. L’un de ses sourcils s’était toutefois légèrement levé lorsqu’il s’était retrouvé face à face avec trois individus presque intégralement tatoués, qui lui avaient rappelé les Yakuzas de son pays natal.

N’ayant pas souvenir d’avoir traité avec eux, il les avait questionnés au sujet du motif de leur entrevue mais une boule de feu, projetée dans sa direction, avait rapidement mis fin à toute volonté de dialogue.

Le combat qui s’était engagé était déloyal. Trois sorciers, c’était beaucoup de puissance à contrer, même pour un mercenaire surentraîné.

Alors qu’il avait mené la danse pendant les longues premières minutes de l’affrontement, bien aidé par ses talents d’illusionniste, une lame crantée avait fini par s’insinuer dans sa chair.

Une fois encore, il s’était félicité de ne s’habiller qu’en noir. Cela lui permettait de se fondre plus facilement dans le décor, mais aussi et surtout de dissimuler le sang qui suintait des blessures que l’on pouvait lui infliger. La vue de ce liquide carmin, témoin d’un état de faiblesse passagère plus ou moins important, avait tendance à stimuler l’ennemi.

Il avait survécu à bien pire qu’à la plaie qui venait de lui être infligée et, pourtant, il avait rapidement senti ses forces s’amenuiser, jusqu’à ne plus être capable d’utiliser ses pouvoirs.

Voilà qui allait sérieusement corser les choses.

Arme magique ou empoisonnée ? Boosté par l'adrénaline, l’hybride n’avait pas baissé les bras et était même parvenu à éliminer l’un de ses adversaires. Une autre poignée de minutes plus tard toutefois, il avait commencé à sentir ses genoux se dérober sous son poids.

Conscient du caractère critique de la situation, il s’était mis en tête de se replier mais ses opposants ne l’entendaient évidemment pas de cette oreille.

Ghosts of the past

Elle est en retard. Abigail traverse d’un pas dynamique le quartier de Tenderloin, soupirant de ne pas pouvoir utiliser son pouvoir de téléportation, mais sa mère l’a mise en garde contre les conséquences d’un usage personnel de la magie. Des arguments dissuasifs. Elle soupire de nouveau sachant qu’elle aurait pu utiliser les transports en commun si elle n’avait pas oublié son porte-monnaie chez elle. La prochaine fois, elle vérifiera avant de partir. Ou bien elle prendra la voiture… Ses pas résonnent à ses oreilles tandis que son esprit vagabonde. Elle ne remarque pas tout de suite les bruits de lutte, passant devant la ruelle sans s’arrêter, mais elle ralentit et fait demi-tour.

Prudente et intriguée par les bruits perçus, la jeune sorcière passe la tête pour regarder dans la ruelle assombrie par la nuit tombée. A la lumière parcimonieuse, elle parvient à distinguer deux silhouettes et une troisième à genoux. Alors quand l’un des agresseurs fait apparaitre une boule de feu, Aby réagit.

- Mur… Le mot franchit ses lèvres tandis qu’un mur de briques apparait devant l’agressé, absorbant l’impact.

Se concentrant, elle souhaite faire usage de son pouvoir de projection mais elle doit esquiver une arme lancée à son encontre et se téléporte à côté du blessé. Le mur, précédemment matérialisé, disparait. Ne se considérant pas en position de combattre, elle préfère battre en retraite en emmenant l’inconnu avec elle, le soustrayant ainsi à ses attaquants, sans plus de consentement. Elle choisit de le ramener chez elle, un petit studio qu’elle occupe à proximité de son lieu de travail, ce qui lui facilite les trajets. Une fois en sécurité, elle allume la lumière et se fige en voyant le visage de l’homme. Lui reviennent en mémoire des images cauchemardesques de son enfance. Pourtant elle n’a vu son visage que brièvement, mais suffisamment pour qu’il marque son esprit et perturbe ses nuits. Elle a fini par s’en défaire, jusqu’à maintenant…

- Vous…

Abigail ne sait que faire devant cet individu, elle n’est pas certaine qu’il se souvienne d’elle. Son regard est détourné par la tâche rouge qui commence à marquer le sol. Que faire… Elle l’a vu tuer quelqu’un… Dorénavant il est blessé sur le sol de son studio… Elle hésite...

Masaru avait rassemblé ses dernières forces pour franchir d’un bond un muret qui lui aurait permis de se soustraire à ses ennemis lorsqu’il avait senti une force surnaturelle le plaquer violemment en arrière sur le sol dur et froid de la ruelle. Télékinésie, sans aucun doute. Dents serrées, il s’était redressé, aussi prestement que possible, mais il avait été contraint de demeurer à genoux par ses adversaires.

Lorsque l’un d’eux l’avait de nouveau menacé d’une boule de feu, il s’était tenu prêt à dégainer les petites dagues qu’il conservait dans ses chaussures dans une ultime tentative de riposte mais il avait reçu un soutien inattendu.

Tout était allé très vite et, quelques instants après qu’une barricade de pierre ait stoppé les flammes qui menaçaient de le défigurer, il avait été téléporté par sa mystérieuse alliée.

Il était toujours à demi accroupi lorsqu’il avait atterri dans une pièce sombre à l’odeur féminine et, lorsque la lumière avait été allumée, il avait eu la surprise de découvrir qu’il se trouvait au beau milieu d’un studio.

La jeune femme blonde qui lui avait porté secours semblait regretter son initiative depuis qu’elle avait découvert son visage, pourtant à demi recouvert par ses longs cheveux bruns. S’étaient-ils déjà croisés ? Son minois à elle ne lui revenait pas…

- Qui êtes-vous ?

Ses yeux en amande cartographiaient les lieux. Deux premières suppositions lui étaient venues à l’esprit : soit il avait affaire à une inconsciente, qui venait d’exposer son domicile à des visites aussi dangereuses qu’impromptues, soit cette petite blonde à l’apparence innocente cachait bien son jeu et s’apprêtait à finir ce que les trois autres individus avaient commencé.

Un phoenix, même blessé, n’était pas un adversaire à prendre à la légère. Il lui était pour le moment impossible de se relever complètement sans chanceler mais au premier geste suspect de l’inconnue, il bondirait sur elle comme une vipère, malgré le sang qui gouttait paresseusement de son ventre vers le sol.

- Où sommes nous et pourquoi m’avez vous amené jusqu’ici ?

Il était trop tôt pour des remerciements. On l’avait assez entraîné pour ne pas qu’il baisse sa garde à la moindre marque de sympathie. Il avait besoin d’explications. De certitudes.

Son regard demeurait neutre, pourtant, un observateur avisé pourrait y percevoir la même lueur de défiance que dans celui des animaux sauvages, piégés dans les phares d’une voiture.

Ghosts of the past

Il ne la reconnait pas. Aby lâche un soupir de soulagement bref, mais cela ne chasse en rien l’hésitation qu’elle ressent depuis qu’elle a allumé la lumière. Pendant un instant, elle se met à douter de ses souvenirs. Comment cet homme qu’elle a vu tuer peut-il se retrouver en position d’infériorité ? Aurait-elle diabolisé un évènement marquant ? Quoiqu’il en soit, elle ne peut pas revenir en arrière, alors autant poursuivre ce qu’elle a entreprit.

- Je m’appelle Abigail, répond-elle en omettant son nom. Elle n’a aucune envie d’en dire trop à cet homme dont la méfiance n’a pas échappé à la sorcière. Et vous êtes chez moi.

La jeune femme s’écarte de l’interrupteur, revenant vers le centre de la pièce et le blessé, qui se montre avare en remerciements. Mais elle n’en prend pas ombrage. Elle sait qu’il peut être risqué de ramener des inconnus chez soi, surtout quand l’un d’eux a hanté ses nuits enfantines, c’est pourquoi elle préfère compromettre son studio plutôt que la demeure familiale ou celle des Halliwell. S’il se montre agressif, elle tâchera de l’immobiliser ou de le transformer en quelque chose d’inoffensif, même s’il semble déjà bien diminué.

- Vous étiez en mauvaise posture, il me parait évident que je vous ai évité de finir carbonisé dans cette ruelle non ? fait-elle remarquer en pointant sa blessure. Si vous savez avec quoi ils vous ont blessé ça m’aiderait à trouver le remède le plus adéquat pour vous soigner.

A moins qu’il ne veuille pas de son aide et cherche à se soigner seul ou ailleurs. En tout cas, elle ne le retient pas s’il souhaite partir, ce qui lui éviterait d’avoir une boule au ventre…

Option un, donc : il avait à priori affaire à une inconsciente, à moins que la personne en face de lui possède plusieurs lieux de résidence et que celui ci ne soit qu’un pied à terre en cas de danger.

Ne voulant pas la vexer alors qu’elle lui était malgré tout venu en aide, Masaru avait gardé sa réflexion pour lui. Il avait néanmoins jugé utile de formuler une petite mise en garde.

- Abigaël. On m’appelle Maze. J’espère pour vous que mes récents opposants ne seront pas tentés de nous suivre jusqu’à votre salon. Avez-vous un système de protection quelconque ?

Déjà, anticipant une potentielle nouvelle attaque, il étudiait les possibilités de mise à l’abri et de défense de l’appartement mais le fait qu’il s’agisse d’un studio rendrait la tâche vraiment ardue.

La jeune femme n’avait pas manqué de constater qu’il n’était pas très reconnaissant au vu des récents évènements. Le japonais était pourtant un homme poli au quotidien, mais dans les contextes où la méfiance était de mise, cette qualité passait au second plan au profit de la survie.

- J’avais encore quelques cartes dans ma main, mais vous avez raison, je vous suis bien redevable pour votre intervention.

Une fois cet aveu fait, il avait quitté sa position accroupie pour s’assoir, adossé contre un mur et être en mesure d’examiner brièvement sa blessure.

La plaie saignait abondamment pourtant, s’il stoppait rapidement l’hémorragie, elle ne serait pas suffisante pour être létale. Ce détail lui avait donné une information précieuse au sujet de ses assaillants : il ne s’agissait au moins pas de tueurs aguerris.

Souvent, lorsqu’il était en mission, le phœnix portait un tee-shirt en kevlar pour se prémunir de ce genre de désagréments, mais pas lorsqu’il était « en civil ». L’incident de ce soir lui servirait certainement de rappel pour l’avenir : ne jamais, jamais baisser sa garde. Ses instructeurs le lui avaient pourtant répété à maintes reprises, durant son entrainement.

- J’ai été poignardé avec un athamé, lame à double tranchant, 15 cms environ, crantée.

L’information que l'objet l’avait momentanément privé de ses pouvoirs aurait été importante à communiquer mais, pour l’heure, il hésitait à le faire, car cela le rendait très vulnérable.

- Un cataplasme d’argile devrait faire l’affaire, si vous avez ça sous la main. Si non, je me débrouillerai de mon côté.

Ses yeux en amande s’étaient de nouveau posés sur le visage de son interlocutrice, qui paraissait toujours tendue.

- M’éclairerez-vous sur les circonstances de notre première rencontre ?

Ghosts of the past

« On m’appelle Maze… » Etrange formulation qui incite Abigail à se demander si c’est son vrai nom. Est-ce un indice sur l’individu qu’elle accueille chez elle ? Tortueux comme un labyrinthe ? Dangereux pour qui s‘égare à l’intérieur ? Ses pensées fusent et elle préfère ravaler la crainte éprouvée, car elle en viendrait à douter de la pertinence de son sauvetage. Sa remarque sur la protection des lieux lui arrache un bref sourire.

- Oui, il y a plusieurs protections, confirme-t-elle sans s’étendre plus sur les dispositifs mis en place. Sa mère lui a suffisamment répété de s’assurer d’avoir les moyens de défense adéquats chez elle, donc Abigail a protégé les accès de son studio contre les intrusions indésirées mais ses défenses sont moins poussés que celle de la demeure familiale. Elles sont suffisantes pour ralentir les intrus.

Ralentir pour avoir le temps de réagir ou de fuir suivant les circonstances. Même si elle sait se défendre, Aby n’a pas la même hargne pour le combat que sa sœur ou sa mère. Néanmoins, elle reste une adversaire à ne pas sous-estimer. Le blessé finit par admettre qu’il lui est redevable, ce qui satisfait l’étudiante bien qu’elle ne soit pas dans la recherche d’une dette à solder. Il en profite pour se redresser et examiner sa blessure suite à la demande de la jeune femme. Cette dernière jette un regard méfiant vers l’asiatique car la précision des informations concernant l’arme indique qu’il est familier de ce genre d’objet. Les détails apportés lui donnent l’impression d’avoir affaire à un militaire ou un agent des forces de l’ordre. Il l’oriente vers les ingrédients à utiliser et Aby se dirige vers sa kitchenette. Elle ouvre un placard et en sort trois flacons, prépare un cataplasme, puis elle récupère une cuvette, des serviettes et des bandages dans la salle de bain. Elle s’approche de Maze et s’agenouille, restant vigilante sur tout signe suspect.

- Il faut nettoyer la plaie avant de la soigner. Relevez votre tee-shirt que je puisse le faire à moins que vous préfériez le faire vous-même.

Aby a partiellement suivi les indications de son interlocuteur, ajoutant certaines combinaisons d’ingrédients favorisant notamment la coagulation et réduisant la douleur. Elle a appris plusieurs recettes de soins, considérant que c’est tout aussi utile que de connaitre les caractéristiques des démons. Par contre la dernière question de Maze la crispe et elle pose un regard scrutateur sur lui. Il n’a pas l’air aussi terrible et terrifiant que dans son souvenir mais elle ne peut effacer cette vision passée. Sauf qu’elle se voit mal lui avouer qu’elle l’a vu tuer quelqu’un.

- Il me semble vous avoir déjà vu, vous me rappelez une personne croisée un soir lors d’une altercation il y a quelques années…

Abigail reste assez vague et transforme les circonstances, car s’il est vraiment le tueur de ses cauchemars, elle n’a pas envie qu’il sache avoir devant lui un témoin de ses crimes. La prudence reste de mise même s’il est diminué par sa blessure.

Masaru avait légèrement froncé les sourcils lorsque son interlocutrice avait confirmé que son appartement était bien sous protection magique. D’un côté, il s’agissait d’une bonne nouvelle, car cela éviterait à ses deux poursuivants, potentiellement accompagnés de renforts, de venir les y confronter.

De l’autre, cela le contrariait, car cela pourrait peut-être lui compliquer la tâche lorsqu’il souhaiterait prendre congé de la sorcière. Se retrouver prisonnier de cette inconnue ne faisait définitivement pas partie de ses plans.

Enfin, chaque problème en son temps !

Pendant que la blonde s’affairait dans sa minuscule cuisine, il s’était rapidement injecté une dose d'adrénaline, espérant que cela lui permettrait de retrouver ses pouvoirs ou, à défaut, son tonus musculaire.

Au vu de son état de faiblesse généralisé, il avait préféré entamer ses soins seuls lorsque l’inconnue était revenue à son chevet.

- Je vais me débrouiller, merci.

Malgré la douleur, ses gestes étaient précis, assurés.

Une fois son tee-shirt relevé, il avait nettoyé et désinfecté la zone et, après s’être assuré que la plaie n’était pas suffisamment profonde pour avoir atteint ses organes internes, il avait commencé à y étaler l’onguent confectionné par son hôte, en espérant qu’elle n’y ait pas glissé une quelconque substance douteuse.

Une fois cela fait, il s’était accordé une petite pause pour souffler et en avait profité pour réagir à l'information que lui avait donnée Abigail.

- Cette altercation, comment s’est-elle terminée ? Un de vos proches était-il impliqué ?

Il avait cru remarquer que la demoiselle n’était pas à l’aise avec le sujet et pourtant, il continuait de la pousser dans ses retranchements, voulant savoir à qui il avait affaire et ce qu’elle avait exactement à lui reprocher.

Une fois son bandage terminé, il avait voulu tester son pouvoir de téléportation mais, si son corps avait l’espace d’un instant présenté un miroitement prometteur, le processus avait eu tôt fait de s’interrompre.

Effet de l’athamée, ou des protections mises en place sur le logement ??

Avant qu’il ait pu obtenir de réponse, des coups avaient été donnés sur la porte, le poussant à porter une main discrète sur le poignard qu’il conservait dans l’une de ses chaussures…

Juste au cas où…

Ghosts of the past

Il déclare vouloir se soigner seul, ce qui laisse entendre qu’il a des connaissances en soins et qu’il a suffisamment d’énergie pour opérer. Cet homme se révèle de plus en plus intrigant, il semble avoir de nombreuses compétences en dépit de son âge apparent.

- Très bien, déclare Abigail avec un hochement de tête, tout en se relevant pour lui laisser de l’espace.

Néanmoins, la sorcière continue de l’observer, après tout, elle conserve une certaine méfiance à son sujet, elle ne sait pas à qui elle a affaire réellement car l’image du tueur s’est substituée à celle de l’innocent à secourir d’une embuscade. Un mélange qui laisse l’étudiante dans l’expectative. Elle est tirée de ses pensées par la relance de Maze sur cette fameuse nuit. Comment s’est-elle terminée ? Mal… Doit-elle le dire ainsi ? Elle hésite…

- Hum… Pas très bien je dirais. Doux euphémisme. Votre adversaire est resté au sol. Et non, ce n’était pas un de mes proches.

Une manière de dire qu’elle n’a pas de grief à son égard, par rapport à ce point-là. Mais elle en a pour toutes les nuits cauchemardesques qu’elle a du endurer. Elle aimerait qu’il n’insiste pas plus sur le sujet car elle ne sait pas si elle parviendra à minimiser sa présence. Elle fronce les sourcils devant son essai de téléportation, tout d’abord à cause du fait que le miroitement est souvent synonyme de démon, puis suite au constat qu’il n’est pas en pleine possession de ses pouvoirs. Ce dernier point est plutôt une chance pour elle, mais elle commence vraiment à regretter son geste. Elle lâche un soupir, elle va devoir assumer ses actes avec tous les risques potentiels. Des coups à la porte détournent son attention et elle commence à s’avancer avant de s’arrêter, méfiante. La coïncidence d’une visite inopinée après son sauvetage lui semble peu probable. Bien que le logement soit doté de protections, elle préfère s’assurer de l’identité des visiteurs avant d’ouvrir sa porte. Elle jette un coup d’œil à Maze qui st sur la défensive, avant de se diriger vers la salle de bain. Une fois à l’intérieur, elle projette son double dans le couloir adjacent au sien, son corps tombant dans un semblant de sommeil. Faisant mine de retourner chez elle, elle s’avance à la rencontre des visiteurs.

- Bonsoir, j’habite là. C‘est à quel sujet ?

Le double d’Abigail donne l’impression qu’il arrive de l’extérieur et qu’il est surpris de voir du monde sur le pas de sa porte.

La blonde semblait avoir assisté à l’un de ses meurtres mais, par chance, il n’avait pas éliminé l’un de ses proches, ce qui limitait considérablement le risque qu’elle cherche à profiter de sa faiblesse passagère pour venger le défunt.

Il n’y avait rien qu’il pouvait lui dire pour justifier son acte sans révéler sa nature de phœnix, rien qui, de toutes façons, le rendrait acceptable à ses yeux, il avait donc préféré éviter de s’étaler davantage sur le sujet.

Bien conscient que la personne qui venait de frapper n’était probablement pas un voisin en panne de sel, le japonais s’était contraint à se redresser lorsque son hôte avait quitté la pièce.

Ses jambes étaient toujours en coton mais l’adrénaline avait quelque peu amoindri les effets du poison qui lui avait été inoculé.

Puisque les intrus ne pourraient normalement pas se téléporter à l’intérieur, du moins, si la jeune femme n’avait pas menti au niveau de la sécurisation de son appartement, ils chercheraient à emprunter les portes et les fenêtres pour s’y introduire.

Dents serrées, il avait donc commencé à déplacer les meubles du studio pour les placer en travers du chemin, aussi silencieusement que possible.

Maligne, la sorcière avait envoyé un double d'elle-même s’enquérir des intentions des visiteurs. Leur réponse avait été on ne peut plus directe :

Ennemi 1 : On sait que le phœnix est ici. Ouvrez la porte et aucun mal ne vous sera fait.

Stratégiquement, Abigail avait tout intérêt à accepter leur offre. Il n’était qu’un inconnu dont elle se méfiait et, même si elle n’avait aucune garantie que ceux qui étaient à sa recherche tiendraient parole, elle pourrait toujours profiter du fait qu’ils soient occupés avec lui pour s’enfuir.

Doublement méfiant, donc, il s’était dissimulé derrière un élément de sa barricade de fortune, poignards en mains, prêt à bondir sur le premier qui parviendrait à faire irruption dans la pièce.

Seul contre au moins deux assaillants, privé de ses pouvoirs et d’une grande partie de sa vigueur habituelle, il risquait de ne pas s’en sortir mais il ne comptait pas se rendre sans combattre.

Ghosts of the past

Le phoenix… Voilà une information qui apporte un éclairage nouveau sur la nature de Maze. Ayant étudié auprès de sa mère les particularités de cette race magique, Abigail comprend mieux cette fameuse nuit. A-t-elle assisté à l’exécution de l’un de ses contrats ? Hypothèse tout à fait probable. Les phoenix sont réputés pour être de tueurs à gages dont la neutralité n’engage que leurs employeurs et la somme d‘argent qu’ils déboursent. Encore un élément en défaveur de son sauvetage… Les intrus semblent sûrs de leur fait et même si leur proposition semble acceptable, Aby ne peut se résoudre à les faire entrer.

- Je ne vois pas de quoi vous parler, dit-elle d’une voix qu’elle veut assurer. Il n’y a personne chez moi. Vous lui voulez quoi à ce phoenix ?

Le double de la jeune femme reste sur le qui-vive, considérant qu’elle a menti tout en donnant des renseignements sur elle-même et sa connaissance du monde magique par la teneur de ses propos. Elle ne sait pas à qui elle a affaire, ni leur affiliation, pour autant elle ne bouge pas de la position où elle s’est arrêtée. Elle réfléchit aux options qui s’offrent à elle notamment s’ils décident d’attaquer les défenses de son logement. Maze n’est pas en état pour combattre pleinement, elle-même n’est pas la plus combative de la famille mais elle détient des ressources qui pourraient lui permettre de tenir tête à ces agresseurs. Elle estime que tout dépendra du déroulement des minutes à venir.

Si l'homme qui se trouvait légèrement en retrait par rapport à l'autre avait pu montrer des signes d'impatience et d'agacement face au mensonge d'Abigail, l'autre avait semblé préférer continuer à faire preuve de calme et de pédagogie.

Ennemi 1 : Nous souhaitons venger notre frère et l'empêcher d'endeuiller une autre famille.

Il s'était interrompu durant quelques secondes avant de reprendre, le visage grave :

Ennemi 1 : Réfléchissez. Ça pourrait être la vôtre, si nous ne l'arrêtons pas alors que nous en avons l'occasion. Les phoenix sont versatiles, imprévisibles. Lui faire confiance serait une erreur, quoi qu’il vous ait dit pour vous convaincre de lui venir en aide.

La prise de Masaru s’était raffermie sur ses poignards.

L’argumentaire de son ennemi tenait la route aussi, la blonde était plus que jamais susceptible de coopérer avec lui en lui laissant l’accès à son appartement.

Il avait bien conscience de sa dualité, du caractère aléatoire de ses missions et donc de ses crimes mais… eh bien, il ne savait tout simplement rien faire d’autre.

On l’avait élevé pour en faire un tueur à gages sans lui présenter aucune autre alternative que celle de sévir parmi les démons, aussi avait-il encodé le fonctionnement de son clan comme étant la norme.

A plus de 150 ans, même s’il le souhaitait un jour, il serait compliqué de faire machine arrière.

Les vieilles habitudes, les ennemis, la réputation… tout cela ne disparaissait pas en un jour, sans compter que certains le considéreraient comme un assassin à vie, même s’il tentait de se racheter une conduite.

Si Jenkins n’ouvrait pas la porte de son plein gré, ses invités surprise forceraient le passage. Impossible qu’ils en restent là, pas alors que la vengeance était si proche…

Ghosts of the past

Abigail écoute les arguments de son interlocuteur, des mots qui pourraient la faire changer d’avis. Elle comprend l’envie de venger les siens mais ce soir elle a décidé d’aider Maze même si c’est peut-être une erreur et la jeune femme n’est pas du genre à revenir sur sa parole. Ce soir elle fera en sorte qu’il s’en sorte vivant…

- J’entends ce que vous dites, mais au risque de me répéter, il n’y a personne dans mon appartement, déclare-t-elle d’une voix assurée. Et pour vous le prouvez je vais vous laisser regarder à l’intérieur, dit-elle en s’approchant de sa porte. Main sur la poignée, elle ajoute, attendez ici la porte est protégée.

Le double entre rapidement à l’intérieur et disparait une fois la porte fermée. Abigail sort de la salle de bain et fait un signe au phœnix. Doigt posé sur les lèvres, elle lui intime de faire silence tandis que des mots murmurés sortent de sa bouche. La sorcière fait une nouvelle fois appel à son pouvoir de projection pour créer une cloison devant le blessé, cachant ce dernier à la vue des autres. Elle vérifie rapidement que le mur n’éveille pas de soupçons puis ouvre la porte en grand.

- Voyez, il n’y a personne d’autres que moi ici…

Aby surveille les deux hommes, prête à réagir en cas de besoin. Contrairement à ce qu’elle aurait pu laisser entendre, elle n’a baissé aucune des barrières protectrices de son logement, permettant seulement aux deux visiteurs inopportuns de jeter un coup d’œil à l’intérieur sans être grillé une fois le pas de porte franchi. Elle espère qu’ils vont rapidement faire demi-tour après avoir inspecté son petit appartement. Elle n’a pas vraiment envie d’engager une confrontation ouverte avec ces hommes.  

A sa grande surprise, alors qu'elle avait toutes les raisons de le dénoncer, la sorcière avait continué de chercher à l'aider en mentant aux individus qui faisaient le pied de grue devant sa porte.

Lorsqu'elle l'avait rejoint à l'intérieur de son studio, elle lui avait intimé le silence avant de l'emmurer littéralement pour le soustraire à leurs vues.

La sensation n'était pas très agréable mais, conscient qu'il avait déjà beaucoup de chance qu'elle ne se retourne pas contre lui, il n'avait émis aucune protestation.

Un petit problème se posait encore néanmoins : il avait déplacé plusieurs de ses meubles pour en faire des barricades et son sang, qui avait goutté sur le sol, n'avait pas été ramassé.

Aussi concentré que possible, il s'était efforcé de matérialiser une illusion afin de "remettre la pièce en état", sans pouvoir vérifier qu'il était parvenu à ses fins puisqu'il travaillait littéralement à l'aveugle et qu'il demeurait encore très affaibli par les effets de l'athamé.

Il était tendu lorsqu'il avait entendu la porte s'ouvrir mais, puisque ses adversaires n'avaient eu aucune réaction en passant leurs têtes à l'intérieur, il avait supposé que ses efforts avaient porté leurs fruits... A moins qu'il s'agisse des protections placées autour de l'appartement.

Le phoenix avait été soulagé de pouvoir dissiper son illusion quelques minutes plus tard. Sa récente hémorragie et quoi que ce soit que lui avaient fait ses ennemis l'avaient éprouvé, le laissant dans un état de fatigue inhabituel.

Lorsque les cloisons avaient disparu autour de lui, il s'était relevé pour faire face à sa mystérieuse alliée.

- Navré pour le désordre. Je ne pensais pas que nous nous en tirerions à si bon compte.

Une question lui brûlait les lèvres, aussi n'avait-il pas tardé à la poser :

- Pourquoi vous être obstinée à me protéger, malgré vos récentes découvertes à mon égard ?

Elle n'avait rien d'autre à y gagner que de potentiels ennuis, son choix n'était donc ni logique, ni pragmatique et, de ce fait, puisqu'il ne le comprenait pas, il lui paraissait presque suspect...

Ghosts of the past

Abigail referme la porte avec soulagement, son stratagème a fonctionné et ses visiteurs ont semblé convaincus. Elle reste quelques instants la main sur la poignée de porte, respirant pour calmer les battements de son cœur puis elle fait disparaitre la cloison, révélant le phœnix. Ce dernier s’est levé en dépit de sa blessure. Il n’a pas tort de souligner le fait qu’ils s’en soient tirés à bon compte, ses adversaires auraient pu se montrer plus véhéments, plus intrusifs, mais cela n’a pas été le cas.

- Effectivement, on a eu de la chance. Puis son regard glisse sur le désordre évoqué, elle va devoir ranger tout le bazar, mais la question suivante oriente son attention ailleurs et elle met un certain temps avant de répondre.

Elle lâche la poignée de porte. Son interlocuteur met le doigt sur un point épineux. Aby n’a pas eu le temps de réfléchir aux implications de sa prise de position. Après tout, ses visiteurs ont donné des arguments convaincants, cependant la sorcière n’est pas du guère à revenir sur sa parole. Alors elle porte un regard déterminé sur Maze.

- J’ai choisi de vous aider ce soir, ce n’est pas pour vous laisser tomber à la première difficulté. Vous êtes un phœnix, vous faites partis des tueurs à gages du monde magique, vous avez certainement été mandaté pour tuer leur frère, quant à la raison, bonne ou mauvaise, je ne souhaite pas la connaitre. Peut-être se voile-t-elle la face, cependant elle aura bien moins de difficulté à accepter le fait d’avoir aidé un meurtrier si elle ne connait pas tous les détails. Son regard se durcit tandis qu’elle conclut. Sachez que je ne vous fais pas confiance.

Les choses sont dites, dorénavant elle sait mettre un nom sur une ombre de son passé, elle sait qu’elle a sauvé un homme qui tue pour de l’argent. Elle espère ne pas devoir se retrouver dans la même position car cela bouleverse ses convictions. D’ailleurs, si elle réfléchit trop elle va finir par regretter ses actes.  

- Vous devriez quitter les lieux, ils pourraient revenir.

Abigail ne sait pas s’il est en mesure de repartir, mais il semble avoir retrouvé des forces. Elle préférerait le savoir loin, une manière d’éloigner les problèmes. Elle commence à s’affairer pour ranger les meubles tout en gardant un œil sur Maze.
 

La réponse que son interlocutrice l’avait surpris. Au lieu de le juger ouvertement, comme la plupart des autres êtres bénéfiques qu’il croisait, elle avait feint que ses activités l’indifféraient.

Qui qu’il ait été, il avait effectivement abattu le frère de ses récents agresseurs à la demande d’un tiers. Cela le déchargeait-il de toute responsabilité ? Non. Restait qu’il n’était pas un tueur fou qui frappait au hasard, pour assouvir de quelconques pulsions.

Elle ne lui faisait pas confiance ? Logique. Lui non plus ne le ferait pas, à sa place, au vu de la situation.

Remarquant aux œillades répétées qu’elle lui lançait qu’elle était mal à l’aise en sa présence, il l’avait rapidement aidée à remettre son intérieur en état, sans dire un mot, avant d’acquiescer d’un petit signe de tête lorsqu’elle lui avait suggéré de prendre congé.

Ses poursuivants risquaient de revenir à tout instant et ses forces n’étaient pas intégralement revenues, il ne pouvait donc effectivement pas s’attarder s’il ne voulait pas prendre de risques supplémentaires ni en faire prendre à son hôte.

- Merci pour votre support. Je ne l’oublierai pas.

Malgré ses activités discutables, le japonais était un homme d’honneur. Chacune de ses dettes était épongée et celle-ci le serait un jour, s’il en avait l’occasion.

Malgré sa méfiance légitime, Abigail n’aurait rien à craindre de lui tant que cela ne serait pas chose faite.

Un léger salut plus tard, il disparaissait de son salon pour se mettre en lieu sûr.

Quelques jours plus tard, une fois totalement remis, il rendait une petite visite à ses assaillants, convenablement équipé cette fois.

La menace qu’ils représentaient n’avait pas été prise à la légère et devait être éradiquée. Avoir à regarder constamment dans son dos n’était pas une option pour lui qui vivait sans clan...


JE PENSE QU'ON EST SUR UN CLOTURE. MERCI POUR CE RP^^